Chorégraphie Farid Berki
Musique Igor Stravinski
Avec Stravinski, Farid Berki n’en est pas à son coup d’essai. Déjà auteur d’un Petrouchka, d’un Scherzo fantastique et d’un Sacre du Printemps, le chorégraphe a développé avec le compositeur russe une familiarité de style et de cœur.
Sa danse pulsée et sans frontières se coule naturellement dans les interstices d’une musique à l’incroyable richesse orchestrale. Son Oiseau de feu, créé en 2015 pour les vingt ans de sa compagnie Melting Spot, en est une nouvelle preuve. Source d’inspiration de nombreux chorégraphes, le ballet est aussi la première œuvre classique à avoir donné lieu en 1984 à une version hip hop, conçue par Alfonso Cata, directeur des Ballets du Nord, avec de jeunes danseurs de Roubaix, dont Farid Berki. Depuis cette rencontre fondatrice, le danseur de rue autodidacte n’a cessé de croiser les disciplines et de « sortir du chacun chez soi ». Cette œuvre anniversaire en est la meilleure illustration.
Chorégraphie Farid Berki
Musique Igor Stravinski
Avec Mustapha Bellal, Zoé Boutoille, Sofiane Challal, Aurélien Collewet, Matthieu Corosine, Sofiane Felouki, Valentin Loval, Johnny Martinage, Rahim Ouabou, Elora Pasin
Lumières David Manceaux
Costumes Emmanuelle Geoffroy et Sonia Evin
Mise en piste Gwenaëlle Roué
Vidéo Laurent Meunier
Vive, pulsée, tranchée, virtuose, symbolique, flamboyante, renversante… Voilà comment pourrait se caractériser la musique dansée d’Igor Stravinski, depuis ses essais post-romantiques (Scherzo fantastique, 1908) et populaires (Petrouchka, 1911), jusqu’au célébrissime Sacre du printemps (1913), connu depuis sa création pour avoir révolutionné les conventions du ballet. Il n’en fallait pas plus pour attirer l’attention de Farid Berki, reconnu comme l’un des pionniers de la danse hip hop en France, étonnant danseur de rue autodidacte, passeur de frontières. Il approfondit inlassablement un acte artistique qui, nourri de la confrontation et du croisement des techniques lors de laboratoires de recherche, fait jaillir de nouvelles gestuelles et se perdre les repères et les codes. Un acte artistique curieux de toutes les cultures, qui en révèle les interstices, les espaces oubliés ou cachés. « J’adore cette musique, car elle est un peu comme un monologue. Son flot continu s’impose à nous, d’un bloc. Et en même temps, je ne veux pas en rester à la description de l’argument initial. Le rituel primitif m’interpelle, bien sûr ; mais je cherche à souligner une autre dimension de la musique de Stravinski : celle qui est faite d’une multitude de signes, et qui nous parle sans que nous la comprenions immédiatement. Cela fait trois fois que je travaille sur Petrouchka, et j’ai compris qu’il ne fallait pas forcément aborder Stravinski «de face». Je préfère une approche plus décalée, plus minimaliste, sans pour autant perdre le lien avec la puissance des éléments fondamentaux : la terre, l’eau, l’air et le feu. Comme dans les arts martiaux. Et à cela, je cherche aussi à ajouter la vision ouverte du rituel : ouverte à notre monde d’aujourd’hui. »
Farid Berki – Extrait d’entretiens autour de la musique de Stravinski
Farid Berki
Par sa formation éclectique et son goût du métissage, Farid Berki, natif du Nord, est un chorégraphe peu orthodoxe.
Depuis la création de la Cie Melting Spot en 1994, il fait preuve d’audace en décloisonnant les stylistiques. Après Fantazia, sa première création, il réinvente le ballet Petrouchka en version hip hop en 1998, repris avec le Ballet du Rhin en 2001, puis en tournée en Normandie pour le jeune public en 2002. En 1999, Farid Berki obtient le Prix des Nouveaux talents chorégraphiques de la SACD, grâce auquel il est invité au IN d’Avignon, où il créé Pas de vagues avant l’éclipse pour André Minvielle, vocalchimiste, et Kader Belarbi, danseur étoile de l’Opéra de Paris. Cette même année, Farid Berki créé Invisible Armada. Ce nouveau projet lui permet de collaborer avec de nombreux artistes et de pratiquer les arts martiaux, en commençant par la capoeira. Il commence alors à travailler de façon récurrente en Chine. De ce voyage sortent deux nouveaux projets : Six Fous en quête de hauteur en 2004, dans le cadre de Lille capitale européenne de la culture, et Soul Dragon en 2005, qui sera joué en Chine et en France.
De 2000 à 2004, Farid Berki devient artiste associé au Bateau Feu Scène Nationale de Dunkerque, période durant laquelle il créé Sur Le Feel, un solo qu’il retravaillera en 2009 avec Nabil Ouelhadj dans un souci de transmission de son répertoire.
Après Oud ! et Hiptonic (2005), puis Deng Deng ! (spectacle en collaboration avec des artistes tchadiens), Farid Berki reçoit en 2009 une commande du Centre Chorégraphique de Roubaix pour la création d’une Université Nomade du hip hop. La même année, il devient artiste en partage au CCN La Rochelle – Kader Attou. À cette occasion, il créé Hip Hop Aura Remix, adaptation jeune public de sa conférence dansée burlesque sur l’histoire improbable du hip hop, Hip Hop Aura, avec 70 interprètes issus du conservatoire, d’un collège, d’une école primaire et de danseurs hip-hop du quartier rochelais de Mireuil.
En 2011, Farid Berki développe une écriture plus minimaliste dans la pièce pour 7 danseurs, Vaduz 2036, qui associe la danse à la vidéo pour en redéfinir les contours et en sublimer les abstractions dans l’esprit des œuvres de Kandinsky. Double Je(u) est un duo créé en 2013 avec la complicité de Serge Aimé Coulibaly ; une confrontation chorégraphique chacun des artistes met en scène et en lumière ce qu’il trouve de mieux chez l’autre pour aboutir à la création de 2 soli l’un pour l’autre : un véritable jeu d’équilibre et de pouvoirs autour d’une simple question : comment trouver sa place dans l’espace de l’autre?
En 2014, la compagnie Melting Spot fête ses 20 ans entourée de ses anciens et nouveaux collaborateurs artistiques, et poursuit en 2015, depuis, son travail sur les territoires – projet dans lequel s’inscrit Stravinski Remix qui réunira en novembre 105 musiciens de l’Orchestre National de Lille, sous la direction d’Alexandre Bloch, et 10 jeunes danseurs émergents de la Région Nord-Pas de Calais et de Belgique. Un programme exceptionnel avec 2 pièces : le Scherzo fantastique op.3 et L’Oiseau de feu ; en partenariat avec l’Opéra de Lille, le Flow et le Grand Sud qui interroge la transmission et la constitution du répertoire hip hop de la compagnie ainsi que son rapport aux œuvres majeures de la musique classique.
Farid Berki réinterroge à chaque projet la validité de son propos et de son langage. Écriture et invention, élan et virtuosité, sa partition utilise le vocabulaire hip-hop en le décalant, en le stoppant dans ses élans, en le déconstruisant. Par sa réflexion sur la transmission et le répertoire, Farid Berki, chorégraphe de renommée internationale, incarne une figure pionnière de la danse hip-hop.
À travers la Cie Melting Spot, le chorégraphe essaie de bousculer les idées reçues tant en ce qui concerne le hip-hop, qu’en ce qui a trait aux autres formes de danses et à leurs cloisonnements. L’hybridation des genres dans la démarche artistique de la compagnie est une évidence depuis sa création. Elle donne lieu à voir et à ressentir une écriture singulière et sans cesse renouvelée.
Production Cie Melting Spot/Farid Berki. Coproduction Orchestre national de Lille/Région Hauts-de-France, Opéra de Lille, Le Grand Sud et Le Flow. Remerciements au Centre régional des Arts du Cirque de Lomme.