D’après William Shakespeare
Adaptation et mise en scène Jérémie Le Louët
Pour qui veut mettre en scène Hamlet aujourd’hui, se pose la question de la régénération des idées, des pensées et des formes, car, de ce classique des classiques, tout est archivé, comparé, analysé. Hamlet renvoie au poids écrasant des anciens tout autant qu’au cynisme de notre époque.
Fervent partisan de la conjugaison de la tradition et de l’expérimentation, de la moquerie et de l’hommage vibrant, Jérémie Le Louët joue des anachronismes et plonge le héros dans un désordre calculé de paravents, costumes, micros, couronne, capes, armures et revolver, pour en faire un héros de notre temps, impuissant devant un destin qu’il ne désire pas.« Comme chez Hamlet, il y a dans la jeunesse d’aujourd’hui, la nostalgie d’une époque non vécue ». Comment « être » ? Faut-il choisir de ne pas « être » ? Faut-il tout liquider, tout vénérer ou rester à attendre sur le bord du chemin dans l’apathie la plus totale ? Utilisant le faux pour mieux dire le vrai, Jérémie Le Louët choisit de faire du théâtre, le théâtre de la vie.
« Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir la fronde
et les flèches de la fortune outrageante,
Ou bien à s’armer contre une mer de douleurs
et à l’arrêter par une révolte ? »
Hamlet
Avec Pierre-Antoine Billon, Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët et Dominique Massat
Scénographie Blandine Vieillot
Costumes Barbara Gassier
Construction Guéwen Maigner
Vidéo Thomas Chrétien et Jérémie Le Louët
Lumières Thomas Chrétien
Sons Thomas Sanlaville
Collaboration artistique Noémie Guedj
J’aime que cohabitent dans un même spectacle la tradition et l’expérimentation, la grandiloquence et le réalisme le plus trivial, la moquerie satirique et l’hommage vibrant, la tragédie classique et le canular. Mes choix de répertoire et de création sont toujours guidés par l’envie de décloisonner les genres, de bousculer les codes, de contester la notion de format. Hamlet ou les âmes perdues s’inscrit dans ce processus de travail, entre oeuvre du répertoire, réécriture, montage et narrations superposées.
Pièce des pièces et classique des classiques, entre tradition, expérimentation et confusion, Hamlet nous renvoie en plein visage notre héritage, le poids écrasant des anciens et le cynisme de notre époque. Quelle est notre place là-dedans ? L’Histoire s’est-elle arrêtée avant même que nous n’ayons pu y jouer quelque rôle ? Il y a dans la jeunesse d’aujourd’hui, comme chez Hamlet, la nostalgie d’une époque non vécue. Comment agir ? Pour quel passage à l’acte ? Faut-il tout liquider, tout vénérer ou rester à attendre sur le bord du chemin dans l’apathie la plus totale ? « Et je m’en allais bras dessus bras dessous avec les fictions d’un beau sujet. Car c’est un beau sujet ! » Jules Laforgue, Hamlet (1887)
Pour qui veut mettre en scène Hamlet aujourd’hui, la profusion des sources à consulter est vertigineuse. Tout est archivé, comparé, collectionné et accessible. Dans cette bibliothèque de Babel que Jorge Luis Borges avait anticipée, l’expression neuve apparaît chimérique. Croulant sous le poids des différentes versions et de leurs commentaires, la question de la régénération des idées, des pensées et des formes s’impose à nous comme un sujet crucial. C’est aussi un défi pour les générations à venir. Nous ne souhaitons pas monter la pièce dans la tradition du théâtre élisabéthain ni en donner une version modernisée mais en faire éclater les sources, les échos, les références, les incidences pour rendre compte de cet état d’incertitude, de cette grande confusion qui bride les énergies en devenir. À l’instar d’Ubu roi ou de Don Quichotte, notre Hamlet revendique une forme fragmentaire, qui laisse transparaître les traces de notre métier et le caractère artisanal de la création théâtrale. Hommages et moqueries disent notre embarras devant le formatage de tout. Mais de ce chaos peut naître beaucoup d’espoir : la ferveur, le sens de l’humour, la fantaisie et la révolte…
[COLUMN]
« Tout ce qui est dans l’amour, dans le crime, dans la guerre ou dans la folie, il faut que le théâtre nous le rende s’il veut retrouver sa nécessité. » Antonin Artaud, Le théâtre et son double (1938)
Les désespérés, les révoltés, les transgresseurs, les magnifiques losers ont toujours animé mes spectacles. Ce sont les meilleurs personnages. Ceux qui, éternellement, nous permettent de mesurer nos pulsions, nos fantasmes et nos frustrations. Ceux qui interrogent la théâtralité par leur seule présence sur la scène. Et la question de la théâtralité est pour moi hautement politique puisqu’elle détermine l’ambition et le degré d’engagement des artistes dans leur action sur le plateau.
Comme décor, un Elseneur démoli, on ne sait par qui, avec accessoires et éléments scéniques éparpillés un peu partout, disponibles pour n’importe quel caprice : un beau désordre bien calculé. Dispositif vidéo multiCam ostensible, avec acteurs cadreurs et surfaces de projection diverses. Les costumes sont anachroniques et délibérément théâtraux. Tout se fait et se défait à vue, les coulisses faisant partie intégrante du terrain de jeu. Sur le plateau, les artifices théâtraux sont revendiqués comme accessoires et comme signes : projecteurs et caméras utilisés comme éléments scénographiques, chaises ou bancs pour les acteurs qui ne sont pas en jeu, portants pour les costumes, paravents, micros sur pied, couronnes, capes, armures, revolvers, faux sang, machines à fumée… Tout l’arsenal du faux pour faire plus vrai. Hamlet, personnage désenchanté, semble refuser le rôle que son fantôme de père a choisi pour lui. Il aurait pu incarner, comme tant d’autres héros avant lui, la figure du vengeur mais Shakespeare – en homme de son temps – choisit un autre scénario. À nous d’écrire le nôtre.
Jérémie Le Louët
Jérémie Le Louët, Metteur en scène et comédien
Il effectue sa formation théâtrale dans les classes de Stéphane Auvray-Nauroy et de Michel Fau aux cours Florent. Entre 1999 et 2002, il joue notamment dans Elle de Jean Genet au Théâtre le Colombier (mes Valéry Warnotte), Marion Delorme et Le roi s’amuse de Victor Hugo au Théâtre du Marais (mes. Julien Kosellek et Stéphane Auvray-Nauroy), Chat en poche de Georges Feydeau au Théâtre du Nord-Ouest (mes. Séverine Chavrier). En octobre 2002, il réunit un groupe de comédiens de sa génération avec lequel naît la Compagnie des Dramaticules. Dès lors, il interroge les notions d’interprétation et de représentation en portant un regard critique sur le jeu. En février 2003, il crée Macbett de Ionesco au Théâtre le Proscenium. Il y pose les bases de son travail sur le tempo, la dynamique et le phrasé. En octobre 2004, il illustre, par un prologue, la Symphonie Pastorale de Beethoven interprétée par l’Orchestre de Paris, sous la direction de Marek Janowski, au Théâtre Mogador. En 2005, il présente une recréation de Macbett d’Eugène Ionesco au Théâtre 13 et y interprète le rôle de Duncan. Il joue ensuite dans Rated X, création d’Angelo Pavia présentée à la MC93 à Bobigny en septembre 2006. En décembre 2007, il met en scène Hot House d’Harold Pinter, spectacle dans lequel il interprète le rôle de Lush. En janvier 2009, il met en scène Un Pinocchio de moins ! d’après Carlo Collodi ; il interprète les rôles de Geppetto, Mangefeu, le Grillon-qui-parle. Il crée Le Horla d’après Guy de Maupassant au Festival d’Avignon 2010. Il interprète Hérode dans Salomé d’Oscar Wilde qu’il met en scène en janvier 2011. Il met en scène Richard III de William Shakespeare au Théâtre 13 à l’automne 2012. Il interprète le rôle-titre. Il co-écrit et crée Affreux, bêtes et pédants au Théâtre de Châtillon en janvier 2014. Il joue son propre rôle. Il met en scène L’Ubu roi des Dramaticules d’après Alfred Jarry au Théâtre de Châtillon en novembre 2014. Il y interprète le rôle du père Ubu. Il est l’invité de l’édition 2016 du Festival de Grignan. Il crée, avec son équipe, Don Quichotte d’après Miguel de Cervantès. Il interprète le rôle-titre. Il créera Hamlet ou les âmes perdues d’après William Shakespeare à l’automne 2018.
Coproduction Cie des Dramaticules. Coproduction Les Bords de scène – Théâtres et Cinémas / Athis-Mons, Théâtre de Chartres, Théâtre Jean Vilar / Vitry-sur-Seine et Le Prisme centre de développement artistique / Elancourt. Avec le soutien du Conseil régional d’Île-de-France, du Conseil départemental de l’Essonne et de l’Adami. L’Adami gère et fait progresser les droits des artistes-interprètes en France et dans le monde. Elle les soutient également financièrement pour leurs projets de création et de diffusion.
La Cie des Dramaticules est en résidence au Prisme – centre de développement artistique / Elancourt. Elle est soutenue par le Conseil régional d’Île-de-France au titre de la permanence artistique et culturelle, par le Conseil départemental du Val-de-Marne au titre de l’aide au fonctionnement et par la ville de Cachan.