Théo Askolovitch est comédien, auteur et metteur en scène. Inspiré par l’énergie du hip hop, il travaille un style frontal, authentique, qui tape juste. Son écriture rebondit avec humour et dérision sur des sujets que l’on évite habituellement.
Dans 66 jours (seul en scène actuellement joué au Théâtre des Béliers) il revient sur son combat contre le cancer. Sa prochaine pièce Zoé (et maintenant les vivants) aborde le deuil de la mère et ce qui demeure après la perte. On suit trois membres d’une même famille, de la déflagration du choc aux différentes étapes de guérisons pour les vivants.
En résidence d’une semaine au Théâtre de Suresnes Jean Vilar, Théo Askolovitch s’entoure des comédiens Marilou Ausilloux et Olivier Sitruk. Zoé est une exploration lumineuse du rapport à la mort et de la complexité et richesse des liens familiaux.
Dans vos spectacles, il est souvent question des relations familiales mais aussi du rapport au deuil et à la maladie. Est-ce une ligne directrice dans votre travail ?
Oui, ce sont des thèmes qui me travaillent. Le deuil et la maladie sont des cadres pour parler vraiment de la famille et des liens. C’est un peu une continuité pour l’instant. Sans doute que j’ai un cycle à terminer avec Zoé (et maintenant les vivants) puis je ferai autre chose.
Vous traitez des sujets sombres avec humour. Pourquoi les aborder de cette manière ?
Mon premier spectacle, 66 jours parlait de la maladie. Celui-ci parle du deuil, raconté avec humour et sourire. Il navigue entre des états différents. En fait, je suis persuadé que l’émotion ne passe pas par le drame et le pathos. En tant que spectateur, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je n’ai pas envie d’être pris en otage mais qu’on me laisse libre de ressentir. Le sourire est la chose la plus émouvante pour moi. Dans ma manière d’aborder le texte, j’essaye d’avoir une écriture assez directe. Pour avoir vécu ces choses dans ma vie, c’est un fantasme qu’on a du drame que de le raconter de manière triste. Au contraire, ce qui me touche c’est la pudeur et je trouve que ça passe par l’humour.
Avez-vous mis une limite dans ce que vous racontez de vous-même ?
Au moment de l’écriture, je me suis demandé si se raconter soi-même ne rendait pas la chose trop intime et donc pas assez universelle. Mais il y a une phrase que j’aime bien. Un rappeur dit « on m’a dit que ça ne sert à rien de parler de ses problèmes mais moi je sais ce que c’est d’écouter du rap et de se savoir compris »*. Je pense que plus tu es sincère, plus tu es universel, même si je n’aime pas trop ce mot. Dans les thèmes que je traite, il ne s’agit pas tant de la maladie ou du deuil mais du rapport à la mort et c’est ce qu’on a tous en commun. Je ne raconte pas des nœuds dramatiques exceptionnels ou des situations grandioses. Je raconte un peu la vie comme moi je la vois en mettant évidement de l’enjeu et du rythme.
Parler de la vie telle qu’elle est, utiliser un phrasé direct et utiliser un son hip hop : est-ce pour vous une manière d’attirer un autre public au théâtre ?
J’essaye de faire des choses qui parlent au gens. Je pars du principe que plus tu es authentique, plus tu racontes tout le monde. J’aime faire venir des gens qui n’ont pas l’habitude d’y aller et j’aime me dire qu’on fait un théâtre populaire mais exigent.
Vous faites un usage important de la musique. Comment cela vous inspire dans votre écriture et votre mise en scène ?
Quand j’écris, j’écoute de la musique, pas mal de rap surtout. Tu as des rappeurs qui mettent pleins de mots pour faire une image et d’autres qui en trois mots produisent des images puissantes. Ce sont ces écritures directes, brutales et frontales qui me touchent le plus.
En fait j’aime les spectacles rythmés et je pense que cela vient de cette culture hip hop. Le phrasé par exemple, je l’entends mieux quand ça va vite, quand ça débite. Les ruptures de rythmes dans les spectacles sont intéressantes. J’aime les boites à rythmes, les trucs qui sont entrainants et qui mettent de l’énergie au plateau pour raconter quelque chose. Pas pour illustrer mais vraiment pour raconter une histoire en plus des autres, et les faire s’assembler. Je veux faire quelque chose qui ressemble à la vie et dans la vie ça va vite. On parle plus rapidement qu’on ne pense par exemple, les informations remontent plus vite…
Que va raconter la musique dans votre prochain spectacle ?
Le côté urbain existera aussi dans Zoé (et maintenant les vivants) parce que c’est ce qui m’influence. Contrairement à mon précédent spectacle, j’essaye d’avoir trois personnages qui viennent de trois univers différents. Dans une famille, il n’y a pas une seule manière de concevoir ses choix musicaux, la vie etc. Il y a un personnage qui me ressemble un peu, celui du fils puis un père et une sœur. La musique montre qu’une situation similaire peut être vécue de manière différente.
Il y a des textes qui vous inspirent dans votre création ?
Les textes de Fausto Paravidino et de Jean-Luc Lagarce. Ce que fait PNL aussi. Leur rap a une force poétique pour raconter des images en utilisant seulement deux mots. Puis je pourrais parler de Sonia Chiambretto aussi, une autrice et metteuse en scène avec qui je travaille et qui m’aide beaucoup.
Pour terminer, comment êtes-vous venu au théâtre ?
Un peu par hasard. Après le décès de ma mère, c’était compliqué. Je faisais des bêtises et mon père m’a dit d’aller au théâtre pour me canaliser. Ce n’était vraiment pas une vocation. J’y suis allé, ça m’a plu et j’ai eu du travail assez vite. Maintenant, ça commence à être un projet qui devient je crois sérieux (rire). C’est aussi et surtout dû à des rencontres. Par exemple Tigran Mekhitarian et Souheila Yacoub avec qui j’ai vraiment aimé travaillé.
*Texte de Fausto Paravidino
*Nekfeu – « Ola Kala » – Les étoiles vagabondes