Ce premier programme, juxtapose trois pièces qui nous parlent de sérénité, de perte de soi et de libération.
Première pièce imposante de la soirée, Gardien du temps de François Lamargot, pour huit danseurs. Inspiré par le livre Les Sept Plumes de l’aigle d’Henri Gougaud dans lequel un personnage secondaire, le gardien du temps, paisible et serein, semble posséder le secret de la vie et de la mort, ce spectacle aborde un thème existentiel périlleux dont François Lamargot entend extraire une vision claire et parfaitement suggestive d’un monde spirituel unique. Seconde pièce présentée, le solo de Mélanie Sulmona, Petite Danse contre l’oubli, choisit de plonger dans le quotidien troué d’une femme qui a la mémoire qui flanche sans qu’aucun post-it ne colmate vraiment le déficit. Jeune créatrice hip hop, Mélanie Sulmona crée et interprète – épaulée par la mise en scène de la clown Muriel Henry – ce monologue dansé et parlé pour mieux presser le jus des souvenirs.
Enfin, le danseur coréen Woo Jae Lee, interprète le solo chorégraphié de Yann Lheureux, Flagrant Délit, dans lequel le personnage bascule de la sauvagerie maîtrisée au grotesque émerveillé, pris en flagrant délit d’évasion. Évasion fictive ou réelle, petit à petit, dans le murmure d’un poème, le personnage va s’affranchir de cet enfermement pour aller vers l’infini.
Trois chorégraphes, trois gestes pour passer de la sérénité à la liberté, en passant par l’abandon de soi.
Gardien du Temps
Direction artistique, chorégraphie François Lamargot
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Petite danse contre l’oubli
Chorégraphie, textes et interprétation Mélanie Sulmona
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Flagrant délit
Conception et chorégraphie Yann Lheureux
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Direction artistique, chorégraphie François Lamargot
Avec Adel Aïdouni, Carole Dauvillier, Cédric Adossi, Daudet Grazai, Fabrice Mahicka, François Lamargot, Ingrid Estarque, Stéphane Thérinca
Lumières Guillaume Léger
Musique Jean-Charles Zambo
Assistant chorégraphie Saül Dovin
Coproduction CCN de Créteil et du Val-de-Marne/Cie Käfig dans le cadre de l’Accueil Studio, IADU- Fondation de France-Parc de La Villette, Centre de danse du Galion/Aulnay-sous-Bois. Avec le soutien de la Drac Île-de-France/ministère de la Culture et de la Communication, de l’Adami, de la Maison de Bégon (Blois)
[COLUMN]
Note d’intention
Mes précédentes pièces étaient essentiellement centrées sur les corps et ce qu’ils peuvent à eux seuls exprimer.
Dans cette prochaine création, la lumière jouera un rôle ; elle sera indissociable de la chorégraphie. Afin de situer l’environnement des danseurs et ce qu’ils vivent, j’utiliserai aussi l’accessoire :
– les costumes aideront les danseurs à incarner les personnages et orienteront leurs gestuelles par leur volume.
– les lumières, au-delà d’une mise en place d’un climat, interviendront directement dans l’histoire.
Lors de mes derniers voyages en Chine et en Afrique, deux livres m’ont particulièrement inspiré (Les 7 Plumes de l’Aigle d’Henri Goucaud et Trésor du Zen de Maître Dogen). Je me suis concentré sur certains passages riches de sens (voir propos) que j’ai notés et assemblés pour former un tout cohérent autour d’une entité. Ces textes ne sont pas une description de ce que je donne à voir sur scène mais ils orientent clairement les intentions de mon travail, tant pour les danseurs que pour moi-même. Le gardien du temps est un personnage secondaire, fugace, du roman Les 7 Plumes de l’Aigle. La force que l’auteur a su lui donner, parmi ses pages, me fait dire que cet homme existe, peut-être. Et comme les voyages, ces rencontres restent un grand inspirateur de mon travail, j’ai été frappé du calme et même, de la sérénité qu’il instaure tout simplement parce que je ne suis pas dans mon environnement habituel, grouillant et afféré à mille choses finalement pas toujours utiles. C’est, comme un autre espace où le temps n’a pas la même durée, s’étirant et se contractant en fonction de l’éloignement peut-être, de la mise à distance certainement, d’une «mise en solitude volontaire» enfin. Une «impermanence qui ne peut être appréhendée par la raison» (extrait de Trésor du Zen de Maître Dogen).
François Lamargot
Biographie
François Lamargot s’est formé dans divers centres de formations parisiens, mais c’est dans la rue, avec ses amis, et en participant à des battles qu’il se complète en hip-hop et plus particulièrement en break et housedance.
Sa carrière de danseur commence dès ses 17 ans dans différentes comédies musicales (Gladiateur, Belle, Belle, Belle). Trois ans plus tard, il met sur pied sa première pièce, Horizon. La création bénéficie d’une programmation aux Rencontres de La Villette en 2008. Dès lors, la compagnie ne cesse de participer à différents festivals et autres évènements de renom tels que Breakin’s Wall d’Amsterdam, Hip Hop International, Dance Deelight, etc…
Il allie le travail théâtral à la danse où interpréter veut dire vivre pour entrer au cœur même du sujet qu’il choisi. Son travail avec Claude Brumachon dans Folies en tant que danseur lui permet d’expérimenter cette aventure. D’autres comme Anthony Egéa ou encore Georges Momboye l’ont amené à s’orienter dans ce sens. En 2011, fort de ses expériences, il présente sa deuxième pièce Akasha. Parallèlement, François devient l’assistant chorégraphe d’Anthony Egéa, notamment pour Le Beijing Contemporary Dance Theater en juin 2011, puis pour Rage réunissant des danseurs du continent africain ; des créations à l’échelle internationale qui contribuent à forger son inspiration et son expérience scénique.
Chorégraphie, textes et interprétation Mélanie Sulmona
Mise en scène Muriel Henry
Musique Sylvain Mazens
Lumières Esteban Loirat
Coproduction Cie Côté Corps, Initiatives en Danses Urbaines – Fondation de France – Parc de La Villette, Centre de danse du Galion d’Aulnay-Sous-Bois. Avec le soutien du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne / Cie Käfig, Théâtre de Suresnes Jean Vilar, La Maison des Métallos
[COLUMN]
« Petite danse contre l’oubli »
à Janine…
Un canapé, des post-its qui jonchent le sol. Une femme déambule sans but. Ses mouvements sont désordonnés, elle a visiblement beaucoup de mal à organiser ses activités. Elle essaie de prendre la parole, cherche ses mots, hésite, ses mouvements sont « cacophoniques » et discordants. Elle semble s’interroger sur les choses les plus rudimentaires du quotidien : se lever, marcher. Elle s’empare d’un post-it, le lit. Il contient des informations importantes sur ce qu’elle a à faire, sur l’utilité des éléments qui l’entourent. Ces petits morceaux de papiers sont un substitut de mémoire vive, elle s’y accroche désespérément pour tenter de retrouver un sens à ce qu’elle est. Tout son quotidien s’articule autour de l’organisation de ces bribes d’informations qu’elle enrichit sans cesse par de nouvelles annotations et qui envahissent tout l’espace : qui est-elle, que sait-elle faire, d’où vient-elle, et où doit elle aller ???
Partagée entre une danse qui traduit tour à tour le désarroi, la folie de la désorganisation, la déperdition de cette femme, et un texte, court et émouvant sur qui elle est, cette pièce questionne sur la mémoire.
Au hasard de ces petits bouts de papiers, et de sa reconstruction progressive on traverse l’histoire de cette femme, effacée par l’oubli.
Biographie
Après une formation académique à la danse classique, Mélanie Sulmona s’est formée au hip hop au forum des halles. Elle se spécialise dans des techniques de danses debout telles que le poppin’ et le jazz-rock. Elle intègre des compagnies de hip hop telles que Force 7, Choréam, la Compagnie Par terre, Trafic de Styles et multiplie les collaborations avec des chorégraphes de danse contemporaine comme Laura Scozzi, Christine Bastin ou Sylvain Groud. Leurs univers très différents la marquent profondément et ouvrent son travail personnel vers d’autres disciplines et techniques, telle le tissu aérien, la danse contact, et les techniques d’improvisation. Elle chorégraphie le solo Vertigo (2005) et le duo Contre Elle (2007), puis le trio Urban Beings (2013). Petite danse contre l’oubli est sa quatrième création.
Conception et chorégraphie Yann Lheureux
Solo Woo Jae Lee
Création sonore et lumière Yann Lheureux
Production Cie Yann Lheureux Coproduction Festival Montpellier Danse 2014, Montpellier ; Le Merlan – Scène nationale à Marseille; Parc de la Villette (WIP Villette), Paris; HanPAC Festival 2012, Séoul.
Avec le soutien de l’Institut Français de Paris ; Institut Français de Séoul et avec les précieuses collaborations du Centre Culturel Coréen, Paris; Centre chorégraphik Pôle Pik, Lyon ; Cie. Didier Théron / Espace Bernard Glandier, Montpellier.
La Compagnie Yann Lheureux est subventionnée par le Ministère de la Culture (DRAC Languedoc-Roussillon), le Conseil Régional Languedoc-Roussillon, le Conseil Général de l’Hérault et la Ville de Montpellier.
Argument
Cette création est le fruit de la rencontre entre deux artistes : le chorégraphe Yann Lheureux et l’interprète Hip Hop Woo Jae Lee.
Ce solo expose la figure d’un être captif.
Qu’ils soient fictifs ou rappellent à une situation tangible d’incarcération, ce sont ces quatre murs virtuels qu’il longe tout au long de la pièce.
Enfermé, il offre ses gestes comme jailliraient des impressions. Il ne s’attache à rien, il se détache, il se détache puis se libère…
Il ne s’attache à rien, il se détache puis se libère…
Parfois il tente des échappées. Nous le découvrons alors hors de l’espace qui le retient. Cette captivité l’oblige à des exils intérieurs. Seuls ces quelques vers de Rimbaud qu’il chuchote, hurle ou scande traversent son esprit. Cette poésie le délivre ; il s’affranchit lentement déployant son dos courbé jusqu’alors, ouvrant l’espace à l’infini.
Il nous murmure…
« Par le soirs bleus d’été, ]
L’amour infini dans l’âme]
J’irai loin, bien loin.] »
A. Rimbaud
Nous le surprenons en Flagrant délit … d’évasion.
[COLUMN]
Biographies
Après avoir musclé sa danse hip hop dans la rue au milieu des années 80, Yann Lheureux décroche le « premier prix international solo » (Turin et Béthune), en 1987 et 1988, lors des Rencontres chorégraphiques de la Fédération française de danse. Collaborateur des chorégraphes Philippe Saire, Hervé Diasnas, Mark Tompkins, Mathilde Monnier, il crée sa compagnie en 1994. Basé à Montpellier, il y a ouvert son « Atelier » en 2003. Ses thèmes de prédilection : l’identité et le territoire qu’il arpente, en croisant la danse avec le théâtre et la vidéo.
Lee Woo Jae, figure renommée de la première génération de danseurs hip-hop en Corée du sud, débute la pratique du hip-hop (bboy) à l’âge de 10 ans. A 18 ans, il devient membre fondateur d’Expression Crew et reçoit en 2006 le Premier Prix “Battle of the year” de Corée du Sud. Directeur artistique, chorégraphe et danseur il participe à de nombreuses créations, telles que Another star of our time, Boyz in the Rain, JUMP UP entre autres, ainsi qu’à de nombreux festivals dont HANPAC, Dream & Vision Dance Festival, Seoul International Dance Festival et Edinburgh Festival Fringe. En 2013, il obtient son doctorat en Danse Moderne à l’Université de Sejong.
Aujourd’hui, Lee Woo Jae est également président de la faculté de danse moderne au Lycée d’art Hanlin et professeur adjoint du département de danse moderne à l’Université de Sejong.