De Federico Garcia Lorca
Mise en scène et adaptation Daniel San Pedro
« La femme de la campagne qui n’a pas d’enfant est inutile, comme un bouquet d’épines, déclare Yerma. Inutile et mauvaise ». Sans doute en va-t-il de même pour celle qui n’est pas aimée, comme elle le souhaiterait ou celle qui ne trouve pas sa place dans le monde comme il va.
Deuxième volet d’une trilogie comprenant Noces de sang (1933) et La Maison de Bernarda Alba (1936), Yerma (1934) trace le destin, sur plusieurs années, d’une jeune épouse qui ne parvient pas à devenir mère. Mariée à un homme qui passe davantage de temps à s’occuper de son exploitation agricole qu’à lui manifester l’amour et l’attention dont elle a besoin, cette femme s’enfonce peu à peu dans la frustration, le désespoir et le malheur.
Pour sa première mise en scène, Daniel San Pedro compose un tableau à la violence vive mais contenue, au cœur de la poésie dramatique de Federico García Lorca.
Yerma Audrey Bonnet
Dolores Christine Brücher
La vieille femme Claire Wauthion
Jean Daniel San Pedro
Victor Stéphane Facco
Maria Yaël Elhadad
La fille de Dolores Aymeline Alix
La jeune ouvrière Juliette Léger…
[COLUMN]
Collaboration artistique Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française
Scénographie Karin Serres
Costumes Caroline de Vivaise
Lumières Bertrand Couderc
[COLUMN]
Musique Pascal Sangla
Vidéo Nikolas Chasser-Skilbeck
Réalisation sonore Jean-Michel Darrémont, Jean-Luc Ristord
Notes de mise en scène par Daniel San Pedro
Lorca – Mettre en scène le théâtre de Lorca implique de se plonger de manière précise dans sa biographie. Ce n’est, qu’en s’attachant à la vie et à la personnalité du poète assassiné que l’on peut comprendre le fondement intrinsèque de son oeuvre : les mécanismes et les conséquences de la frustration.
L’homosexualité de Lorca était connue et il lui est même arrivé de se faire insulter tandis qu’il venait saluer à l’issue d’une représentation d’une de ses pièces. La frustration dont il a souffert n’est donc pas le simple fait de la clandestinité à laquelle il a été souvent contraint. Elle est davantage liée à la conscience du poète de son impossibilité à pouvoir construire une véritable vie de couple. Le refoulement physique parfois forcé ne vient que s’adjoindre au renoncement de la vie à deux. Yerma incarne à elle seule ce thème de la frustration. Femme non fécondée, elle est ce manque d’amour qui semble lui ôter toute raison de vivre. Yerma n’est pas la tragédie d’une femme condamnée à la stérilité mais celle d’une femme qui se voudrait aimer. Son nom même en témoigne puisqu’il s’agit là d’une invention de Lorca féminisant le not Yermo qui désigne en espagnol une lande désertique. Que les laboureurs passent et la terre redeviendra fertile … «Je suis comme un champ desséché que mille paires de boeufs pourraient labourer à la fois». Comme le rappelait La Argentinita, amie du poète, «Yerma c’est Federico, c’est la tragédie de Federico».
Un drame moderne – «J’ai reçu des lettres de gynécologues et de neurologues renommés qui confèrent une autorité clinique au cas que j’ai traité. Délibérément j’ai veillé à en éliminer tout produit d’élaboration mentale. Cela ne m’intéresse pas. Je livre cette pièce au pur instinct, au gémissement le plus primaire de la nature». Lorca ne nous parle pas d’un fait-divers médical. Il nous met face à notre propre besoin d’amour. C’est l’universalité de ce propos qui m’a conduit à choisir de situer ce drame dans une esthétique résolument contemporaine. Il me semble important de sortir l’oeuvre de Lorca de l’image folklorique dans laquelle elle est souvent cantonnée. Yerma, Jean ou Victor n’ont rien de danseurs de flamenco au regard noir et à la silhouette cambrée. Réduire le théâtre de Lorca à une espagnolade convenue, c’est non seulement en simplifier la charge esthétique et poétique, mais c’est également en affaiblir considérablement le propos dramatique.
La femme – Yerma c’est aussi l’histoire d’une femme qui cherche sa place au sein d’une société paysanne où seuls les hommes semblent compter. Là encore, le fait de situer l’action de nos jours me semble le meilleur de moyen de faire entendre les enjeux sociaux qui sous-tendent la pièce. Car si Yerma date de 1934, l’interrogation qu’elle pose sur la place de la femme dans le monde agricole reste toujours d’actualité. En effet, en dépit de l’incroyable modernisation de l’agriculture et de ses moyens de production, le statut des épouses d’agriculteurs reste peu valorisé. La reconnaissance de leur travail au sein de l’exploitation, ainsi que l’obtention des droits sociaux qui en découle, ne sont d’ailleurs que choses récentes. Aujourd’hui encore, nombre de jeunes filles renoncent à s’inscrire dans certaines filières de l’enseignement agricole par crainte de se confronter à un monde quasi exclusivement masculin. C’est à cette solitude-là que Yerma se voit également condamnée.
Le secret et le temps – Mettre en scène Yerma, c’est chercher à élucider ce qui lie intimement Yerma et Jean. Pourquoi Jean est-il incapable d’aimer sa femme? Pourquoi Yerma ne le quitte-t-elle pas ? Quelle est la place de Victor au sein du couple ? Tout semble se jouer entre eux dans les silences et les non-dits. Et puis le temps passe faisant pourrir la situation… Le rapport au temps est central. Il l’est autant pour les personnages que pour le metteur en scène lui-même. Comment mettre en scène le temps qui passe ? Le temps s’écoule-t-il de la même manière à la campagne ? Pour signifier ces cinq années passées, un travail vidéo suivra l’évolution d’un paysage rural au fil des mois. Il s’agit de regarder concrètement passer les saisons. Ces images seront ensuite intégrées au spectacle afin d’accompagner et de porter la progression du récit. Ce travail vidéo démarrera dès la fin de l’année 2011 et se poursuivra jusqu’à la date de création du spectacle.
Des souvenirs – Il y a mes souvenirs d’enfant dans les villages pauvres de Castille. Des étés heureux à vivre comme dans un siècle passé. Avec des paysans, des bergers et leurs troupeaux. Avec la lumière, les odeurs et les rumeurs. Pour autant l’action ne sera pas située en Andalousie, ni même en Espagne. Ici les personnages sont des paysans mais sans sabot et sans accent. Leurs émotions sont à l’image de la nature : intense, imprévisible et sauvage. Un trop plein de sang coule dans leurs veines et rend le drame inévitable. Afin de ne pas tomber dans la caricature, j’ai souhaité rencontrer et travailler avec plusieurs bergers. L’un pratique la transhumance dans les montagnes du Pays Basque, l’autre est un éleveur ovin installé en Normandie.
Daniel San Pedro s’est formé au Conservatoire National. Il participe à de nombreux spectacles théâtraux sous la direction notamment de Jean-Luc Revol (La Princesse d’Elide, Aristomène ; L’heureux stratagème, Arlequin ; La Tempête), Marcel Maréchal (Les trois mousquetaires, d’Artagnan ; L’École des femmes), Gildas Bourdet (L’Atelier), Jean-Luc Palies (Carmen la Nouvelle), Franck Berthier (La Régénération), Philippe Calvario (Grand et Petit), Ladislas Chollat (Le Barbier de Séville, Figaro ; Le Mariage de Figaro). Gregory Baquet (Les Insolites).
Récemment, il crée un monologue d’Israël Horovitz, Trois semaines après le paradis et Après le Paradis en création mondiale dans une mise en scène de Ladislas Chollat. Il travaille également avec Claude Brumachon (Y a ti ou pas) et tourne avec Paul Carpita (Marche et rêves, les homards de l’utopie), Eliane de Latour (Les oiseaux du ciel), Raymond Pinoteau (Noël en Quercy) ou Philippe Triboit (Un Village français). Pour Les Sables Mouvants, il est nommé au Prix Michel Simon et reçoit le Prix d’interprétation au Festival du Jeune Comédien de Bézier. De 2002 à 2005, il est artiste associé au Centre National de Création de Chateauvallon. Il met en scène Le Romancero Gitan ; A la recherche du lys ; Faute de Frappe ; Ziryab… Il est également professeur de théâtre à l’Ecole de Danse de l’Opéra National de Paris. Cette saison, il crée Contes et Recettes avec la Compagnie des Petits Champs. Il interprète Frontin dans L’Epreuve de Marivaux, mise en scène par Clément Hervieu-Léger et joue aux Amandiers de Nanterre dans Des Femmes mise en scène de Wajdi Mouawad.
« « Yerma » : la brûlante poésie de Lorca
Daniel San Pedro met en scène ce drame « rural » qui ressemble à une tragédie antique avec dans le rôle-titre Audrey Bonnet, renversante.
[…] Daniel San Pedro, qui signe l’adaptation, la mise en scène et interprète Jean, le mari de l’héroïne, s’est entouré d’une équipe artistique remarquable et tout, dans cette production, est pensé pour que ce texte si particulier nous parvienne dans sa force tragique et son éternité. Le spectacle est d’une beauté délicate, tout en tons chauds et sourds, comme brûlés par le soleil d’Andalousie.
[…] Tout ici concourt à la puissance de la représentation […]. Un spectacle accompli à ne pas rater. »
Figaroscope, le 3 septembre 2014, Armelle Héliot
« Le grand poète espagnol [Federico Garcia Lorca] dresse de poignants portraits. Ceux de paysans qui combattent la pauvreté se débattant dans les pièges des traditions et des conventions sociales. « Yerma » est une œuvre magnifique sur le thème de l’infertilité. Daniel San Pedro, qui signe l’adaptation et la mise en scène, réalise un spectacle d’une facture remarquable, sublimé par une interprétation impeccable. L’esthétisme, extrêmement soigné, fait ressentir tout le drame.«
Pariscope, semaine du 3 septembre 2014, Marie-Céline Nivière
« Pour sa première création, le comédien et désormais metteur en scène Daniel San Pedro a choisi d’investir Yerma, de Federico Garcia Lorca. Servie par une distribution de haut vol, cette proposition tout en clair-obscur touche au cœur de la poésie du grand auteur espagnol.
[…] Daniel San Pedro (cofondateur de la Compagnie des Petits Champs, en 2010, avec Clément Hervieu-Léger, qui signe la collaboration artistique du spectacle) crée une représentation pleine de sensibilité. Une représentation aux aspects cinématographiques, qui nous plonge au cœur de la poésie dramatique de Federico Garcia Lorca.
Cadrant sa représentation sur la présence concrète et contemporaine de ses remarquables comédiens […] Daniel San Pedro […] compose un tableau humain des plus touchants. Un tableau à la violence vive mais contenue, qui gagne le pari de l’exigence et de la profondeur.«
La Terrasse, 1er septembre 2014, Manuel Piolat Soleymat
« […] Signé Daniel San Pedro, ce spectacle de l’enfermement, intime et sociétal, est d’une poignante beauté. Excellence du jeu des huit comédiens, intelligence des lumières et de la scénographie, puissante évocatrice des images… Avec ce Yerma, la barre est placée haut en cette rentrée théâtrale.«
L’Express, 3 septembre 2014, Laurence Liban
« Sauvage, tragique, fiévreux, féministe
Daniel San Pedro, comédien, signe ici sa première mise en scène pour cette pièce qu’il a lui-même adaptée avec Clément Hervieu-Léger. Et il faut bien reconnaître que le spectacle est une réussite totale. En s’entourant d’acteurs remarquables, dont Audrey bonnet qui incarne avec une sincérité désarmante le désespoir de l’héroïne, mais aussi Stéphane Facco (Victor) et d’autres, alors que lui-même interprète à la perfection Jean, Daniel San Pedro parvient à raconter une histoire toute simple de manière intemporelle, débarrassée des clichés folkloriques espagnols. »
Rayon de culture
Production La Compagnie des Petits Champs, qui reçoit le soutien de la Drac Haute-Normandie / Ministère de la Culture et de la Communication, de la région Haute-Normandie et du département de l’Eure. La Compagnie des Petits Champs est en compagnonnage au Théâtre de Charleville-Mézières.
Coproduction CNCDC de Châteauvallon, Festival Automne en Normandie/Arts 276, Théâtre de l’Ouest Parisien/Boulogne-Billancourt, L’Entracte, scène conventionnée/Sablé-sur-Sarthe, TCM-Théâtre/ Charleville-Mézières.
Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Comédiens de l’ESAD–PSPBB, de l’Adami et de l’Odia-Normandie.