De Racine
Mise en scène Jacques Osinski
Bérénice aime Titus. Titus aime Bérénice. Voilà cinq ans que le fils du défunt Vespasien aime la reine de Palestine qui a tout quitté pour le suivre à Rome.
Il vient de monter sur le trône et s’apprête à l’épouser. Mais le Sénat réprouve cette union avec une reine étrangère. Titus épousera-t-il Bérénice ? La loi de Rome finira par l’emporter. Titus ne se dérobera pas au « fardeau » du pouvoir et assumera son destin. Avec une tristesse infinie, il renverra la « tendre et sublime » Bérénice, « malgré lui, malgré elle ». Une tragédie sans coups de théâtre, sans morts, qui a séduit Jacques Osinski. Bérénice s’inscrit « dans une lignée souterraine d’héroïnes féminines éprises d’absolu », comme le souligne le metteur en scène d’opéra et de théâtre. L’étrangère sans royaume, soumise à son amant, ose affirmer « ce qu’elle est ». Et c’est « cet amour mis à nu dans tout ce qu’il a de beau mais aussi de violent » que souligne la scénographie par un espace ouvert où les sentiments « ont l’obligation de se dire ».
Mise en scène Jacques Osinski
Avec
Bérénice Maud Le Grévellec
Titus Stanislas Stanic
Paulin Clément Clavel
Phénice Alice Le Strat
Arsace Arnaud Simon
Antiochus Grétel Delattre
Dramaturgie Marie Potonet
Scénographie Christophe Ouvrard
Lumière Catherine Verheyde
Costumes Hélène Kritikos
Oser enfin la classique Bérénice avec le besoin d’une langue absolue, inattaquable, comme un retour aux sources. Dans un décor épuré à l’extrême faisant ressortir les corps et les voix des comédiens, faire entendre le mouvement de la langue, le mouvement des mots. Sur scène, des corps, qui presque jamais ne se touchent mais font ressentir plus violemment que jamais les sentiments. Des cris qui se murmurent pour mieux se faire entendre.
Bérénice aime Titus. Titus aime Bérénice. Entre les deux, Antiochus qui aime Bérénice depuis toujours, sans pouvoir le dire. Et ce silence d’Antiochus est peut-être le moteur de la pièce : Quand parler ? Peut-il parler ? A quoi bon parler ? Racine a cette assurance, cet aplomb qui le mène à faire « quelque chose de rien » comme il le dit dans sa préface. La pièce avance en suivant le rythme intérieur des personnages. La grande force de Racine est d’avancer toujours avec ce « rien » qui s’appelle l’amour.
Bérénice est Reine et elle aime. Elle assume un amour qui fait d’elle une étrangère sans royaume. Recluse, soumise à celui qu’elle aime, elle semble la réalisation d’un fantasme masculin. Mais en affirmant son amour, elle affirme aussi totalement ce qu’elle est et l’exigence de son désir. Bérénice grandit à mesure qu’elle s’efface. Elle est un paradoxe. L’héroïne recluse, est passionnante de liberté. Au rebours de Bérénice, Titus en devenant roi disparaît. Il ne me semble pas intéressant de douter de son amour comme ce fut souvent le cas. Titus doit être conscient de ce qu’il quitte. Ne voir en lui qu’un amant déjà lassé, c’est faire peu de cas du poids du costume d’empereur. « Je connus que bientôt, loin d’être à ce que j’aime/ Il fallait cher Paulin, renoncer à moi-même ». Etre roi, c’est renoncer à être soi. Si Titus épousait Bérénice, il ne serait plus roi mais révolutionnaire. Ce serait une autre histoire, une fin que Rousseau se plaira à imaginer plus tard…
Témoin du passé et porteur de l’avenir, messager et amant, Antiochus, personnage souvent négligé et pourtant passionnant, déborde du cadre qui lui est attribué. Observateur et acteur de la tragédie, il la referme sur un « Hélas » plus triste encore que tout le sang versé dans d’autres tragédies. La vie qui continue malgré tout est plus implacable que la mort. Reste à vivre, à vivre et à régner en ayant perdu sa part d’humanité. Reste à vivre et à régner dans un monde où on ne peut épouser une reine « étrangère », reste à supporter ce monde-là.
Jacques Osinski
Né en 1968, titulaire d’un DEA d’histoire, Jacques Osinski se forme à la mise en scène grâce à l’Institut Nomade de la Mise en Scène, auprès de Claude Régy à Paris et Lev Dodine à Saint-Pétersbourg. En 1991, il fonde la compagnie La Vitrine et met en scène de nombreuses pièces de théâtre. Parmi celles-ci : L’Ile des esclaves de Marivaux (1992), La Faim de Knut Hamsun (1995 – Prix du Public de la Jeune Critique au Festival d’Alès), L’ombre de Mart de Stig Dagerman (2002), Richard II de Shakespeare (2003), Dom Juan de Molière (2005-2006) et Le Songe de Strindberg (2006). En 2007, il crée au Théâtre du Rond-Point L’Usine du jeune auteur suédois Magnus Dahlström. De janvier 2008 à fin 2013, il est directeur du Centre Dramatique National des Alpes, où il privilégie l’alternance entre textes du répertoire et découverte. Après avoir quitté ses fonctions à Grenoble, Jacques Osinski crée la compagnie L’Aurore boréale et met en scène, en janvier 2015, Medealand de Sara Stridsberg, à la MC2 : Grenoble, puis au Studio-Théâtre de Vitry (création française). Parallèlement à son activité théâtrale, Jacques Osinski travaille également pour l’opéra. Invité par l’Académie européenne de musique du Festival d’Aix-en-Provence, il suit le travail d’Herbert Wernicke à l’occasion de la création de Falstaff au Festival en 2001. En 2006, à l’invitation de Stéphane Lissner, il met en scène Didon et Enée de Purcell sous la direction musicale de Kenneth Weiss au Festival d’Aix-en-Provence. Puis c’est Le Carnaval et la Folie d’André-Cardinal Destouches sous la direction musicale d’Hervé Niquet à l’automne 2007. Le spectacle est créé au Festival d’Ambronay et repris à l’Opéra-Comique. Jacques Osinski a reçu le prix Gabriel Dussurget lors de l’édition 2007 du Festival d’Aix-en-Provence. En 2010, il met en scène Iolanta de Tchaïkovski au Théâtre du Capitole à Toulouse, sous la direction musicale de Tugan Sokhiev, et à l’automne 2013 l’Histoire du soldat et l’Amour sorcier, sous la direction musicale de Marc Minkowski, avec la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta à la MC2 Grenoble, puis à Paris, à l’Opéra Comique. En 2014, il adapte Tancrède de Rossini au Théâtre des Champs-Elysées, sous la direction musicale d’Enrique Mazzola. En 2015, il propose une version d’Iphigénie en Tauride de Gluck avec l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris sous la direction musicale de Geoffroy Jourdain. Il revient à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet du 19 au 23 mai 2015 pour le festival mai au Balcon avec la mise en scène de Avenida de los Incas 3518 de Fernando Fiszbein et Lohengrin de Salvatore Sciarrino.
Maud Le Grévellec
Formée à l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, et au Conservatoire national de région de Rennes, elle a joué au théâtre sous la direction de Stéphane Braunschweig Six Personnages en quête d’auteur d’après Luigi Pirandello, Rosmersholm d’Ibsen, Les Trois soeurs de Tchékhov, Le Misanthrope de Molière, La famille Schroffenstein de Kleist, La Mouette de Tchekhov (Alain Françon), L’hôtel du libre échange de Feydeau (Jacques Osinski), Medealand de Sara Stridsberg, Le triomphe de l’amour de Marivaux, Le conte d’hiver de Shakespeare (Jean-Louis Martinelli) La République de Mek-Ouyes de Jouet (Charles Berling), Pour ceux qui restent d’Elbé (Jean-François Peyret), Les Variations Darwin de Peyret et Prochiantz, La Génisse et le pythagoricien de Peyret et Prochiantz (Claude Duparfait), Petits drames camiques d’après Cami (Laurent Gutmann), Les Nouvelles du plateau S de Hirata, Le Prince de Gutman
Au cinéma, elle a tourné avec Mabrouk El Mechri dans le long métrage Virgil, Arnaud Simon et Hubert Viel.
[COLUMN]
Stanislas Stanic
Formé au Conservatoire national d’art dramatique, il travaille avec Alain Françon (Toujours la tempête – Handke, Les Huissiers-Vinaver, Visage de feu – Mayenburg) ; Bernard Sobel ( Dons, mécènes et adorateurs – Ostrovski, Le mendiant ou la mort de Zand – Olécha) ; Stuart Seide (Roméo et Juliette, Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, Moonlight de Pinter, Mary Stuart de Schiller) ; Jacques Vincey (Le belvédère – Horvath) ; Nathalie Richard (Le traitement – Martin Crimp), Marc Paquien (La Locandiera – Goldoni) ; Anne Alvaro (L’île des esclaves – Marivaux) ; Nora Granovsky ( Chien, femme, homme-Berg ) ; Michel Didym (La langue des chiens de roche – Danis, Badier Grégoire – Darley) ; Nicolas Liautard (Le Misanthrope– Molière, Amerika – Kafka, Ajax – Sophocle…) ; Isabelle Ronayette (Sextuor Banquet – Llamas) ; Fred Cacheux (Mojo – Butterwoth) ; Myriam Marzouki (Laissez nous juste le temps de vous détruire – Pireyre) ; Victor Gauthier-Martin…
Au cinéma, il a travaillé avec Siegrid Alnoy, Qiaowei Ji, Ellen Perry, Philippe Garrel, Xavier Beauvois, Pascal Bonitzer, Fabien Delage, Vincent Garenq… Il est lauréat du Centre National du Théâtre avec sa pièce inspirée du conflit en ex-Yougoslavie, Balkans Banlieue.
Clément Clavel
Formé au Cours Florent puis à l’Ecole supérieure d’art dramatique du Théâtre national de Strasbourg (TNS, Groupe 38), il travaille sous la direction de Stéphane Braunschweig, Annie Mercier, Gildas Milin, Julie Brochen, les Sfumato, Jean-Paul Wenzel, Joël Jouanneau… En 2010, aux côtés de Chloé Catrin, il créé la compagnie La Stratosphère. Il joue Presley dans Pitchfork Disney de Philip Ridley, première création de la compagnie, mise en scène Chloé Catrin (Carte blanche TNS, Festival Premiers Actes en Alsace). Au théâtre il joue sous la direction de Jean-Louis Martinelli (Ithaque de Botho Strauss, rôle de Télémaque), Pauline Ringeade (Le Conte d’Hiver de Shakespeare), Richard Brunel (Les Criminels de Ferdinand Bruckner). Il rencontre Jacques Osinski en 2012 lors de la création de Georges Dandin de Molière où il interprète Cléandre. Depuis il a également joué sous sa direction dans L’Avare.
Production Cie L’aurore Boréale. Coproduction Théâtre de Suresnes Jean Vilar.