Avec un titre aussi étonnant que Le Jardin des cris, le danseur et chorégraphe Ibrahim Sissoko, figure de la scène hip hop, à la tête de la compagnie Ethadam depuis 1998, entend bien faire passer quelques ultra-sons sur la cacophonie d’aujourd’hui.
Sur le plateau, un homme seul se débat avec les multiples images qui l’assaillent en permanence. Dans un monde hyper-connecté, l’identité de chacun explose sous le flux des informations. Au risque de se perdre de vue et de ne plus savoir qui l’on est. Sur ce thème sociétal, Ibrahim Sissoko fait résonner des questions sur la fidélité à soi-même, l’empathie et la foi dans l’autre et dans la vie.
En écho à cette prise de conscience, la chorégraphe Bintou Dembélé, de la compagnie Rualité, questionne dans sa nouvelle pièce S/T/R/A/T/E/S – Quartet (danse, musique, voix), pour quatre interprètes, les couches qui nous constituent, mémoire et inconscient étroitement imbriqués, pour forger nos histoires singulières.
Pour cette exploration nouée par le thème du rite de l’esclavage, elle s’appuie sur la street dance dont le hip hop et le krump, ce style combatif né à Los Angeles au milieu des années 90, pour dire la rage des corps enfouis. Une soirée au carrefour de l’intime et de la société emportée par la fougue hip hop.
Le Jardin des cris
Chorégraphie Ibrahim Sissoko
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S/T/R/A/T/E/S – Quartet
Chorégraphie Bintou Dembélé
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Chorégraphie Ibrahim Sissoko
Avec Salif Seybani Traoré dit Salifus
Musique IAPS
Lumières Odilon Leportier
En coproduction avec Suresnes cités danse / Cités danse connexions 2018.
Note d’intention
Vingt-cinq années d’évolution dans la culture Hip Hop m’ont donné l’opportunité de voyager de par le monde. Comprendre et expérimenter la différence m’ont permis de donner du sens à la rencontre. J’ai été accueilli et j’ai noué des relations, afin de partager un art et une façon de l’exprimer.
Tous ces échanges m’ont évidemment nourri, mais ils m’ont également aidé à me construire artistiquement et techniquement.
J’ai pu forger un imaginaire et une identité artistique propre. L’enrichissement humain et philosophique m’a permis de créer une alchimie liant fortement ma personnalité et ma démarche chorégraphique.
Ces rencontres m’ont également permis de mesurer à quel point nous vivons une époque particulière. La concomitance et la fulgurance d’évolutions techniques, technologiques, sociétales et démographiques inédites transforment nos modes de vie.
Nos esprits sont façonnés, modifiant ainsi notre rapport au monde et aux autres. Dans ce monde d’accélération continue et d’hyper-connexion permanente, les identités sont questionnées, les modes de vie interrogés, la résilience des individus et des groupes soumise à tension.
N’est-il pas urgent de prendre du recul ? Comment rester soi-même, comment être soi-même ? L’ère des flux ininterrompus rapproche, uniformise sans doute, mais alimente également une vision qui crée des différences, source d’éloignement et non de ressources à activer.
Comment rapprocher les personnes et favoriser la reconnaissance de chacun ? En étant en paix avec soi-même, pour l’être aussi avec les autres.
Dans un monde qui a besoin de bienveillance, de compréhension et d’ouverture, la danse, qui se joue de synchronisation et de musicalité, est un levier de transmission d’émotions. Elle casse les barrières, donne un rythme, touche à un universel, au-delà des styles, des corps ou des personnalités.
Alors dansons ensemble.
Ibrahim Sissoko
[COLUMN]
Ibrahim Sissoko est le fondateur et directeur artistique de la Compagnie Ethadam depuis 1998. Danseur hip hop autodidacte, il souhaite explorer de nouvelles techniques de danse et décide de se former aux danses académiques (classique, jazz, contemporaine) à l’Académie Internationale de Danse de Paris (AID) en 1997. Il enrichit son solide parcours d’interprète en écrivant dès 1992 avec la Compagnie Choréam les premières pages des danses hip hop en France, puis en dansant pour les Compagnie Hamalian’s, Déséquilibres… et autres artistes de renommée internationale tels que Alicia Keys (tournée européenne), Will I Am (clip vidéo). Plus récemment, en 2010, il est danseur soliste mis en scène par Robyn Orlin. En 2011, il signe et interprète un duo musique et danse avec la violoncelliste Ophélie Gaillard.
Directeur artistique et chorégraphe des Compagnies EthaDam et Hamalian’s, il est auteur de 10 créations chorégraphiques ayant donné lieu à une diffusion nationale et internationale de plus de 700 représentations, à ce jour. La Compagnie EthaDam a en effet parcouru les pays d’Europe de l’Ouest, d’Europe Centrale, la Scandinavie, l’Amérique latine et du Sud, l’Afrique sub-saharienne et l’Asie.
Durant ce parcours, jalonné par de nombreux partenariats et commandes (Théâtre de la Ville, Centre National de la Danse de Pantin, Centre de Danse du Galion – Aulnay-sous-Bois, Théâtre de Chelles, Espace Michel Simon Noisy-le-Grand, Théâtre de Corbeil Essonne, Opéra de Paris Bastille …), Ibrahim Sissoko s’est forgé une identité artistique marquée par une subtile association d’un esprit créatif et d’une danse précise, sensible et énergique. Porté par des rencontres, il libère son imagination dans l’univers de la création chorégraphique et musicale. Il façonne un univers esthétique original, combinant la volonté de tirer le maximum des capacités corporelles et la recherche d’une sensibilité émancipatrice d’émotions profondes. Son écriture transpire une imprégnation profonde des valeurs de solidarité, de travail et de persévérance, au croisement de différents univers artistiques.
Pédagogue et soucieux de la transmission des valeurs de paix, d’unité et de partage caractéristiques des danses hip hop, Ibrahim Sissoko est fortement investi dans les actions de formation. Il participe aux réflexions sur le processus de structuration des nouvelles pratiques culturelles et réalise des actions novatrices, notamment sous la forme de créations mêlant chorégraphie, scénographie, musique et numérique. Cela l’amène à entreprendre la création d’une structure, nommée IAPS (Initiative Artistique de Production de Spectacle). C’est un espace de pratique artistique pluridisciplinaire (équipé d’un studio photo et vidéo, un studio d’enregistrement), un laboratoire de réflexion autour de l’art croisé qui a permis l’émergence et la professionnalisation de jeunes talents d’île de France et d’ailleurs.
Chorégraphie Bintou Dembélé
Avec Bintou Dembélé, Anne-Marie Van dite Nach
Musique Charles Amblard
Voix Charlène Andjembé
Lumières Cyril Mulon
Son Vincent Hoppe
Production Compagnie Rualité. Coproduction le Théâtre Antoine Vitez / Vitry, Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines (Fondation de France, Parc de la Villette, Caisse des Dépôts et l’Acsé), le Collectif 12 (Mantes-la-Jolie, avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication / DRAC Île-de-France dans le cadre d’une aide à la résidence), le Centre de Danse du Galion / Aulnay-sous- Bois et du CCN de la Rochelle / Cie Accrorap, direction Kader Attou. Avec le soutien du Conseil général de l’Essonne, du Conseil général Val-de- Marne, de la Ville de Morangis et du Groupe Caisse des dépôts. La Compagnie Rualité est conventionnée au titre de la permanence artistique et culturelle de la région Île-de- France.
Note d’intention
Après Z.H (Zoos humains), qui, avec six danseurs mettait en lumière le mécanisme de l’imagerie coloniale et interrogeait ces périodes où l’exotisme humain s’exposait en cage, Bintou Dembélé se confronte à la mémoire, la sienne et son lien avec l’Afrique.
Là, c’est le corps qui est la mémoire-même de ce passé. Un passé qui l’habite au-delà de la conscience et de la connaissance. Passé fantasmé, passé silencieux, occulté par les siens, S/T/R/A/T/E/S est cette mémoire fractionnée où s’empilent les histoires de chacun. Le corps se déplace entre hier et aujourd’hui pour combler les manques. Comme une mémoire vive toujours brûlante d’actualité.
Sur scène, un cercle tracé à même le sol. Rituel inspiré de la culture hip hop qui rassemble toutes les expressions. Espace de liberté et d’échange où les quatre artistes vont initier des états de corps venus du hip hop et du krump – deux danses nées de cette impérieuse rage de vie – qui revisitent cette mémoire.
Bruit des corps, des respirations, frappes des pieds des danseuses, improvisations de jazz, de blues et polyphonies d’inspiration africaine font résonner la violence des tensions et des intentions tout en donnant naissance à des gestes d’une infinie délicatesse.
Avec S/T/R/A/T/E/S, Bintou Dembélé évoque ses manques et ses ruptures avec une histoire sans transmission qui bouillonne en elle depuis longtemps. Elle l’exprime non seulement dans ce titre ainsi fractionné que dans sa performance faite de séquences qui se lient et se relient au fil du spectacle.
S/T/R/A/T/E/S est une performance. Un terme qui pour moi est l’expression d’une liberté artistique qui ne détermine ni ne fige ce que j’ai envie de dire, qui permet de relier plusieurs esthétiques. Libre de ne pas cloisonner. Une liberté qui ne définit aucun lieu, aucun espace et aucun public spécialisé.
Bintou Dembélé
[COLUMN]
Reconnue comme l’une des pionnières du hip hop, Bintou Dembélé adopte cette culture de la rue et de l’image qui nourrit sa trajectoire dès 1985.
En 1996, elle passe de la rue à la scène contemporaine intégrant le Théâtre Contemporain de la Danse de Paris (TCD) dirigé par Christian Tamet. Durant les années qui suivent, elle danse au sein des groupes Mission Impossible, Aktuel Force, la compagnie Käfig et pour MC Solaar. Elle chorégraphie en 2011 le clip de Roméo kiffe Juliette de Grand Corps Malade.
Elle est co-fondatrice du groupe Ykanji et du groupe féminin Ladyside.
Elle développe aujourd’hui un projet expérimental reliant des artistes à des chercheurs, universitaires, étudiants notamment avec le laboratoire SeFea (Scènes Francophones et Ecritures de l’Altérité) dirigé par Sylvie Chalaye, spécialiste des théâtres et des diasporas, anthropologue des représentations coloniales et historienne des arts du spectacle. Ce projet inclut des temps de laboratoires de recherche pour la performance S/T/R/A/T/E/S – Quartet, des ateliers d’éducation artistique (ateliers expérimentaux, ateliers du regard, cycles de projection de documentaires, etc…), des journées d’étude sur la thématique et relation entre le marronnage (mode de résistance à l’esclavage) et la street culture d’où découle le hip hop, le krump est bien d’autres esthétiques de la rue. Cette approche se propose de prendre en compte le contexte historique, économique, politique et culturel dans lequel ces cultures ont émergé.