Texte Dennis Kelly
Mise en scène Chloé Dabert
Comme Liam dans Orphelins (au Théâtre de Suresnes en 2015), du même auteur, le personnage éponyme de L’abattage rituel de Gorge Mastromas est profondément ambigu.
Monstre ou héros tragique ? Difficile à dire car avant de devenir un des chefs d’entreprise les plus prospères du monde à force de lâchetés et de mensonges, l’homme avait en effet, toute sa jeunesse durant, observé une moralité irréprochable sans en être jamais récompensé, se transformant, d’après lui, en un être parfaitement insignifiant.
Révélée en 2014 lors du festival de théâtre émergent Impatience à Paris et invitée dans les plus grandes scènes nationales, Chloé Dabert se passionne pour l’écriture nerveuse et sans concessions de Dennis Kelly. Dans une scénographie légère et modulable, les sept comédiens de la pièce alternent dialogues et récit à une vitesse remarquable. Cela au service d’une subtile réflexion sur la place de l’individu dans nos sociétés modernes.
Je dirais que la question centrale est celle du choix. Ce sont nos actions qui nous déterminent, mais qu’est-ce qui nous pousse à agir dans un sens ou dans l’autre ?
Chloé Dabert
Avec Bénédicte Cerutti, Gwénaëlle David, Christèle Tual, Olivier Dupuy, Sébastien Eveno, Julien Honoré, Arthur Verret
Scénographie et vidéo Pierre Nouvel
Lumières Kelig Le Bars
Costumes Pauline Kieffer
Son Lucas Lelièvre
Dans L‘Abattage rituel de Gorge Mastromas, la forme, la structure, les personnages, les enjeux apparaissent d’une grande complexité. C’est une pièce qu’il faut relire de nombreuses fois avant de pouvoir décider quelle piste choisir, un peu comme un labyrinthe dont il faut suivre le bon fil pour trouver la sortie. Sa structure impose des choix radicaux dans la réponse qu’on doit y apporter au plateau mais la forme juste en est d’autant plus difficile à déterminer. C’est un texte dont le potentiel et la force se dévoilent, encore plus denses à chaque nouvelle étape du travail. Histoire de sacrifice, mais lequel ? Sacrifice de qui, de quoi, pourquoi, par bonté ou par lâcheté ?
Le texte propose au spectateur d’en juger par lui-même, en lui exposant des faits, des actes, qu’ils soient racontés ou incarnés.Ce pourrait-être « le procès » d’un individu dont les actes sont condamnables, ou les derniers instants de la vie d’un monstre, mais c’est aussi le destin d’un héros tragique, ou encore une sorte de Faust… La pièce dissèque, sans manichéisme, le monde dans lequel nous vivons, le pouvoir, la politique… Elle sinue au travers de cette poignée de puissants qui contrôlent le monde et qui n’hésitent pas à sacrifier le reste de l’univers pour une ascension personnelle, en toute impunité. On retrouve dans ce texte de Dennis Kelly comme dans les précédents, une réflexion sur nos sociétés modernes et sur la place que peut y trouver l’individu, ce qui le détermine, ce qui le pousse à faire un choix plutôt qu’un autre, ce qui fait de lui un lâche, un homme irréprochable, une victime ou un tyran. Ce sont, je crois, des questions qui nous habitent tous. Il y a aussi dans L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, une dimension onirique, surnaturelle. Le rapport au temps n’est pas toujours logique et crée une narration très particulière, on peut s’attarder pendant trois pages sur un détail et traverser dix années en une seule réplique, on ne sait pas quel est cet espace-temps, une sorte de salle d’interrogatoire ou nous serions cachés derrière le miroir sans tain, un purgatoire où tous les personnages importants de la vie de Gorge, tels des fantômes, viennent rejouer l’histoire où régler leurs comptes, et quel est cet étrange narrateur, est-il acteur ou simplement témoin, tant de questions qui mènent ce texte bien au-delà d’une question de société…
Chloé Dabert
Juin 2016
Dennis Kelly
Né en 1970 à Londres. Sa première pièce Débris est montée dès 2003 à Londres (Theatre 503 /Battersea Arts Centre). Ses pièces sont ensuite créées dans différents théâtres londoniens (Paines Plough, Hampstead Theatre, Young Vic Theatre, …) : Oussama ce héros (2003), Après la fin (2005), Love and money (2006), Occupe-toi du bébé (2006), ADN (2007) et Orphelins (2009). En 2010, sa pièce The gods weeps est présentée par la Royal Shakespeare Company. Pour cette même troupe, il écrit en 2011 le livret de la comédie musicale Matilda the musical (adaptée de Roald Dahl), immense succès en 2011 à Londres et reprise en tournée internationale, notamment à Broadway. En 2013, il écrit une adaptation de la pièce de Georg Kaiser, From Morning Till Midnight qui est créée au National Theatre et la même année sa dernière pièce L’abattage rituel de Gorge Mastromas est présentée au Royal Court. Ses pièces sont jouées et traduites dans le monde entier. En 2009 il est élu meilleur auteur étranger par le magazine Theatre Heute en Allemagne. Dennis Kelly est également l’auteur de deux pièces radiophoniques The colony (BBC Radio 3, 2004) et 12 shares (BBC Radio 4, 2005). Pour la télévision, il a écrit la série Pulling (SilverRiver / BBC 3) et plus récemment Utopia (Kudos/ Channel 4) qu’il a également coproduite.
Chloé Dabert
Chloé Dabert est comédienne et metteure en scène. Issue du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, elle joue notamment sous la direction de Joël Jouanneau, Jeanne Champagne et Madeleine Louarn et met en scène Passionnément, le cou engendre le couteau d’après Guérasim Luca au CNSAD, puis Music-Hall de Jean-Luc Lagarce au Théâtre du Chaudron-Cartoucherie de Vincennes. Elle travaille régulièrement avec de jeunes adultes autour d’écritures contemporaines, notamment au CDDB-Théâtre de Lorient où elle est artiste associée jusqu’en juin 2016 et où elle a mis en scène Les Débutantes de Christophe Honoré, La Maison d’os de Roland Dubillard et ADN de Dennis Kelly.
En 2012, elle fonde avec le comédien Sébastien Eveno la Compagnie Héros-limite, installée en Bretagne. Le spectacle Orphelins de Dennis Kelly, qu’elle crée à Lorient en 2013 dans le cadre du Festival Mettre en Scène, est lauréat du Festival de théâtre émergent Impatience 2014 co-organisé par le Théâtre du Rond-Point, le CENTQUATRE-PARIS et Télérama.
Depuis 2015, elle est artiste associée au CENTQUATRE- PARIS où elle crée Nadia C. d’après le roman de Lola Lafon La petite communiste qui ne souriait jamais avec Suliane Brahim de la Comédie-Française, Anna Cervinka de la Comédie-Française et Alexandrine Serre, en partenariat avec la Comédie-Française, en avril 2016. Elle est également associée au Quai – Centre dramatique national Angers-Pays de Loire depuis janvier 2016. Elle y crée L’Abattage rituel de Gorge Mastromas de Dennis Kelly en mars 2017 avec Bénédicte Cerutti, Marie-Armelle Deguy, Gwenaëlle David, Olivier Dupuy, Sébastien Eveno, Julien Honoré, Arthur Verret, présenté notamment au Théâtre du Rond-Point et à La Passerelle – scène
nationale de Saint-Brieuc. Elle est également en résidence à l’Espace 1789, scène conventionnée danse de Saint-Ouen, qui l’accompagne sur ses créations depuis 2015 et fait partie des artistes participant au projet de La Passerelle, scène nationale de Saint Brieuc : Surface scénique contemporaine.
Avec Sébastien Eveno, elle mène en 2016/2017 la 5ème édition du projet « Adolescence et territoire(s) » de l’Odéon- Théâtre de l’Europe, autour de Horizon de Matt Harley qu’elle met en scène pour 15 adolescents. La pièce est présentée deux fois à l’Odéon – Théâtre de l’Europe puis à l’Espace 1789 – scène conventionnée danse à Saint-Ouen et au Théâtre Rutebeuf de Clichy-la-Garenne. En janvier 2018, elle met en scène à la Comédie-Française J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce avec les comédiennes Cécile Brune, Clotilde de Bayser, Suliane Brahim, Jennifer Decker et Rebecca Marder.
« L’Abattage rituel de Gorge Mastromas confirme que Chloé Dabert a le sens de l’espace, le goût du rythme, et qu’elle sait diriger les acteurs. »
Le Monde, Brigitte SALINO, 4 mai 2017
« Très bien défendue et mise en scène par Chloé Dabert, cette fable éclaire crûment une société où le mensonge est devenu la condition sine qua non de la réussite. Un spectacle qui stimule les neurones. »
L’Obs, Jacques NERSON, 3 mai 2017
« Les deux metteuses en scène creusent la fable apparemment simpliste, dirigent avec énergie et grâce leurs comédiens. Elles réveillent et sèment le trouble. »
Télérama, Fabienne PASCAUD, 2 mai 2017
[COLUMN]
« La finesse de la mise en scène et du jeu des acteurs permettent de dévoiler toute la puissance du texte, son langage brutal, urbain, et la tragédie d’un monde qui finit par enfanter des tyrans. »
Théâtreactu, Thibault DAVID, 25 avril 2017
« Quelle entrée en matière ! Et quelle bonne idée ! Pièce particulière, qui bascule du rire au drame. Ce portrait d’homme qui a vendu son âme nous interpelle avec force. »
Ouest France, Laurent BEAUVALLET, 24 mars 2017
Production compagnie HEROS LIMITE.
Coproduction Le Quai – centre dramatique national / Angers, La Passerelle – scène nationale / Saint Brieuc, Espace 1789 / Saint- Ouen.
Avec le soutien du Théâtre du Rond-Point, du Cent Quatre-Paris, de la Région Bretagne, de l’ADAMI et de la SPEDIDAM et de Specatcle vivant en Bretagne.
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national. Le spectacle bénéficie de l’aide à la création du Ministère de la culture et de la communication / DRAC Bretagne. La compagnie Héros-Limite est soutenue par le département de la Seine- Saint-Denis. Le texte a reçu l’Aide à la création du Centre national du Théâtre. Spectacle lauréat du fonds de dotation Porosus.