De Mike Bartlett
Mise en scène Nora Granovsky
S’il est porteur d’espoir dans Cyrano, le discours amoureux chez Mike Bartlett est tout autre.
Texte inédit en France du jeune auteur britannique, Love, Love, Love n’emprunte pas pour rien son titre à la célèbre chanson des Beatles, qui a marqué la jeunesse de la fin des années 60 à aujourd’hui. Scan de l’évolution politique et idéologique de la société anglaise, de 1967 à 2011, la pièce donne à voir l’évolution d’une famille sur trois générations. Ses amours et ses tromperies, ses divorces, ses propriétés…
Dans une scénographie de Pierre Nouvel, quatre comédiens jouent une sorte de Festen théâtral, porté par une écriture cinglante.
Avec Bertrand Poncet, Emile Falk-Blin, Jeanne Lepers, Juliette Savary
Traduction Kelly Rivière, Blandine Pélissier
Création sonore Antoine Pesle
Création vidéo et scénographie Pierre Nouvel
Lumières Fabien Sanchez
Costumes Nora Granovsky
La pièce Love, Love, Love de Mike Bartlett est représentée dans les pays de langue française par l’agence DRAMA-Suzanne Sarquier, en accord avec The Agency à Londres ; Love, Love, Love suivi de Bull de Mike Bartlett (trad. Blandine Pélissier & Kelly Rivière) est publié aux éditions Actes Sud-Papiers (2017).
Dans le prolongement de notre recherche autour des écritures contemporaines, j’ai choisi de monter ce texte inédit d’un auteur anglais né en 1982, Mike Bartlett.
L’écriture de Mike Bartlett est teintée d’un humour cinglant, corrosif. La langue est directe, acérée et l’auteur est virtuose dans la maîtrise du rythme et la pertinence des répliques. D’une situation qui pourrait sembler banale, et quasiment quotidienne, l’auteur nous entraîne progressivement dans une digression de la réalité ; subtilement le rythme s’accélère et nous plonge dans une mise en abîme du réel. Une écriture percutante qui permet une belle liberté de mise en scène
Mes dernières créations Chien, Femme, Homme de Sybille Berg ; Guillaume Tell / Le Soulèvement de Kevin Keiss, avaient pour axe central la quête de l’utopie à travers l’intime, à travers le politique ; comment l’homme s’empare-t-il du réel pour le soulever, le bouleverser et tenter de mettre sur pied un « monde meilleur ».
Suite à ces expériences, j’ai ressenti la nécessité profonde d’aborder la question de notre génération face à celle de nos pères. D’une utopie à une autre, d’un bouleversement à un autre, que reste-t-il de l’utopie en quelque sorte…
Peut-on transformer le monde quand la génération qui nous précède est encore pour nous l’emblème de la jeunesse, quand nos parents ont fait mai 68, Woodstock ou l’île de Wight… Quand notre musique originelle est celle des Velvet Underground, David Bowie, les Rolling Stones… comment inventer un monde après « ça » sans ne jamais tuer le père? Est-il nécessaire de tuer le père. Mais que nous ont-ils laissé?
Just kids de Patti Smith, Les Intéressants de Meg Wolitzer sont des textes biographiques à partir desquels je commençais à rêver d’un spectacle et j’ai découvert Mike Bartlett.
Dans Love Love Love, la question de l’utopie est posée à la fois à travers l’intime et le politique. Par le croisement de ces deux niveaux, cette création va permettre une forme d’aboutissement autour de cette thématique.
La pièce donne à voir l’histoire d’une famille à travers laquelle résonne l’évolution politique et idéologique de la société anglaise de 1967 à 2011.
Construite en trois parties, trois époques, à chacune son constat : 1967(Acmée / Summer of Love) ; 1994 (Désenchantement/fin des années Tatcher) / 2011(Flottement/crise des valeurs) et une question demeure : Comment réinventer le monde aujourd’hui?
Au-delà d’une confrontation entre deux générations, la pièce pose la question de l’influence de l’évolution économique et idéologique d’une société sur notre trajectoire intime.
L’auteur donne à voir des humains qui se débattent avec leurs problématiques de « petits bourgeois » : la tromperie, le divorce, l’accès à la propriété. De la même manière que l’auteur américain Jonathan Franzen (Freedom, Les Corrections), Mike Bartlett dresse le tableau d’une famille sur plusieurs décennies et exprime, au-delà de l’apparente banalité de nos existences, l’essence même de ce qui nous rattache à la vie, ce qui nous pousse à croire : le Tout réside dans le Rien.
Nous travaillons sur la scénographie avec Pierre Nouvel. La définition du mot « Utopie » par l’écrivain anglais Thomas More, « En aucun lieu », est le point de départ de notre approche : une scénographie épurée, qui transpose l’espace réaliste décrit par l’auteur, permet d’impulser du jeu aux comédiens et de raconter cette histoire. L’idée étant de transposer cet espace hyper quotidien en un espace intemporel, complexe qui laissera la place à la projection mentale des personnages et à l’imaginaire des spectateurs. De cette manière, le spectateur pourra imaginer sa représentation idéale de l’espace. Cette transposition va permettre de ne pas ancrer la représentation dans une reproduction du quotidien. Jouer sur l’espace, les diagonales, les corps en tension, la chute, créer des ellipses de temps par le mouvement des corps. Nous travaillons sur un élément « évolutif » pour matérialiser l’effet d’onde de choc qui parcours les tableaux jusqu’au chaos de la troisième et dernière partie (cendres, sédiments, ruines…).
La lumière viendra sculpter l’espace et les corps. Un travail sur l’image avec l’utilisation de la vidéo nous permettra de développer un contre champ et ainsi de créer des respirations poétiques face à l’énergie cinglante des situations et des mots de la pièce, à la manière des photographies de Bernard Plossu. Une bande sonore originale sera composée pour le spectacle à partir de sons synthétiques, de boucles répétitives superposées, et de samples.
Le jeu des acteurs doit être central et puissant. Un « Festen » en trois acte qui monte, qui monte, qui monte…
Nora Granovsky, metteure en scène
Suite à sa formation de comédienne de l’Ecole du Passage sous la direction de Niels Arestrup à Paris, Nora Granovsky se consacre à la mise en scène et assiste Jean-Claude Penchenat au Théâtre du Campagnol sur Les enfants gâtés. Parallèlement, elle obtient une maîtrise d’Etudes Théâtrales sous la direction de Georges Banu. Après plusieurs mises en scène en Belgique, elle travaille durant quatre années à la Comédie de Béthune, où elle s’occupe de la formation et monte Le Précepteur de Bertolt Brecht.
En résidence de création à la Culture Commune – scène nationale, elle crée Solo para Paquita d’Ernesto Caballero. De 2005 à 2009, sa compagnie est en résidence à l’Escapade à Hénin- Beaumont, scène missionnée du Pas-de-Calais. Elle y monte successivement Mais qu’est-ce qu’on fait du violoncelle ? de Matéi Visniec, La leçon d’Eugène lonesco, A table ! création collective, I wish – I AM librement inspiré de La Métamorphose de Franz Kafka. Son intérêt croissant pour les formes musicales la conduit vers l’Opéra. Elle travaille sur « La Traviata » de G. Verdi, mise en scène par Irina Brook, à l’Opéra de Lille en 2007.
De 2008 à 2011, elle assiste Stuart Seide sur Mary Stuart de Friedrich Schiller au Théâtre du Nord, CDN du Nord-Pas-de-Calais et crée Le Moche de Marius von Mayenburg (octobre 2010). En mars 2011, elle écrit et crée le spectacle Anywhere out of , opéra minimal, composé par Braka à la scène nationale de Montbéliard
En septembre 2012, Nora Granovsky crée Chien, femme, homme de Sibylle Berg au Théâtre Vidy- Lausanne.
En 2014, elle collabore à la création Front de Luk Perceval au Thalia Théâtre à Hambourg, crée le spectacle Noces (écriture collective) à Tourcoing pour le festival Les rues joyeuses et crée Guillaume Tell / Le soulèvement de Kevin Keiss à la Comédie de Picardie à Amiens. En mars 2015, elle écrit et met en scène un spectacle jeune public La Véritable Histoire de Guillaume Tell à la Maison Folie de Wazemmes à Lille.
Enfin, elle est artiste associée à la Comédie de Picardie sur les deux saisons à venir.
Nora Granovsky met en scène Love, love, love de Mike Bartlett
Un titre à fredonner sur l’air culte des Beatles… Que reste-t-il de la génération Peace and Love ? De cette utopie qui symbolise comme aucune autre l’élan de révolte de la jeunesse ? Comment aujourd’hui réinventer le monde ? Ce récent texte du jeune dramaturge britannique Mike Bartlett, primé au Royaume-Uni et nouvellement publié en France, lui permet d’explorer le thème de l’utopie à travers la relation entre la génération actuelle et celle des pères.
[…] Grâce à un jeu précis et puissant, et aux effets savamment conjugués du son, des lumières et de la vidéo qui agit ici comme respiration poétique, [Nora Granovsky]met en scène avec maîtrise l’imbrication implacable de l’intime et du politique.
Sceneweb
Love, etc…
[…] Si le texte de Bartlett questionne une période et ses conséquences, il jette aussi un regard affûté sur la famille dans un mélange de pertinence et d’humour noir, de quoi élargir le spectre et déborder du regard rétro sur le summer of love et ses conséquences, personnelles, sociales et sociétales.[…] Avec l’appui de la vidéo, du son et de la musique, et entourée d’une équipe de fidèles, Nora Granovsky, sans chercher la performance et le rythme à tout crin (ni jouer d’un montage construit à coup de morceaux rock d’époque), entend laisser de l’espace au spectateur, en prenant le temps d’installer ambiance et personnages pour un portrait global et intergénérationnel. […] Moderne ambitieux et prometteur : un théâtre comme on aimerait en voir davantage sur les planches régionales.[…] Prenez date.
Hauts-de-France Sortir
Production déléguée BVZK.
Coproduction Comédie de Picardie et Maisons Folie de Lille.
Avec le soutien la DRAC Hauts-de-France et du Conseil départemental du Pas-de-Calais, de l’ADAMI, du Conseil régional Hauts-de-France, du Manège – Scène nationale de Maubeuge et du Théâtre Ici et Là – Centre culturel de Mancieulles.
Nora Granovsky est artiste associée à la Comédie de Picardie.