D’après Fernando Pessoa
Conception et montage de textes Aurélia Arto et Guillaume Clayssen
Mise en scène Guillaume Clayssen
Reporté au jeudi 25 mars 2021.
Pour demander un avoir ou un remboursement : 01 46 97 98 10 – reservation@theatre-suresnes.fr
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Ceux qui ne connaissent pas encore la poésie de Fernando Pessoa ne mesurent pas leur chance, car c’est ici un monde qui s’ouvre à eux. Ceux que son œuvre touche déjà en redécouvriront les multiples facettes, dans ce seule-en-scène bouleversant de délicatesse et de drôlerie.
L’œuvre poétique de Fernando Pessoa est comme une « amie de poche » réconfortante, qui rend grâce à toutes les obsessions secrètes de l’espèce humaine. Celui qui écrivait des poèmes avec la sensation de ne pas en être l’auteur – comme habité par toute une galerie de poètes imaginaires guidant sa plume – apparaît ici sous les traits… d’une femme, ceux de la comédienne Aurélia Arto, toute en subtilité.
Dans l’intimité d’une chambre ouverte sur de grands paysages visuels et sonores, elle se démultiplie sous nos yeux, faisant ressortir de chaque « double » ce mélange d’humour et d’étonnement qui n’appartenait qu’à Pessoa lui-même.
Avec Aurélia Arto
Création lumières Julien Crépin
Création son Cédric Colin
Costumes Séverine Thiébault
Scénographie Delphine Brouard
Je ne peux parler de Fernando Pessoa, ovni poétique par excellence, et de mon envie de le faire entendre sur scène, sans vous faire part d’un petit fragment de mon roman personnel.
Il y a déjà plus d’une vingtaine d’années, je versais quotidiennement dans la lecture d’ouvrages philosophiques. Étudiant à la Sorbonne, je parcourais alors tous ces systèmes de pensée nous permettant de comprendre un peu mieux notre monde. Au beau milieu de ces ouvrages théoriques, surgit un jour, presque par hasard, sur ma table de chevet Le livre de l’intranquillité du poète portugais. Je n’arrivais plus à me décoller de cette lecture étrange qui remettait en cause toutes mes certitudes d’apprenti intellectuel. Comment se faisait-il que ma connaissance de Kant ou de Platon ne pût me protéger du trouble dans lequel me mettait cette poésie ? Certaines phrases de Pessoa étaient si paradoxales que les énoncés de la philosophie en comparaison me semblaient ternes :
Je me suis rendu compte, en un éclair, que je ne suis personne, absolument personne.
Il n’est personne, me semble-t-il, qui admette véritablement l’existence réelle de quelqu’un d’autre.
Imprégné de cette poésie déconcertante, je devenais à mon tour un « intranquille ». Pessoa avait désormais, dans ma vie intime, le statut singulier de grand maître en scepticisme.
Sans m’en être rendu compte à l’époque, le trouble qu’avait déclenché en moi ce poète, préfigurait mon projet à venir de basculer du monde philosophique au monde théâtral. Ce goût pour l’incertitude et le doute, tels que les pratique Pessoa, me fit en grande partie choisir l’aventure de la création et quitter le chemin plus paisible, à mes yeux, de la philosophie.
L’idée de mettre en scène Pessoa ne me serait pas venue aussi concrètement si une comédienne, Aurélia Arto, avec qui j’ai travaillée déjà sur plusieurs spectacles, ne m’avait un jour révélé l’attachement très fort qu’elle avait également pour les textes de ce poète. Cette lecture fut pour elle, comme pour moi, un choc. Une telle expérience poétique commune ne pouvait que nous inciter assez naturellement à poursuivre notre collaboration.
Voici ce qu’écrit Aurélia sur son rapport personnel à la poésie de Pessoa :
« L’écriture de Pessoa m’a d’abord fait vivre une expérience intime presque secrète. Consolatrice.
Il semble s’adresser à des manies dont nous avons tendance à être honteux.
Rêve, attente, latence, mécréance, procrastination.
Il sublime ces manies, leur donne sens et vie.
Ouvre la porte d’un monde enfoui chez nous, lui tend la main, le reconnaît.
Cette écriture ne m’est donc pas apparue d’emblée comme une écriture de plateau, mais plutôt comme une amie de poche.
Ensuite, l’humour de ses textes, sa densité, et son aspect protéiforme, m’ont donné envie d’éprouver cette écriture au plateau.
Envie décuplée par la possibilité de dire la révolution que propose Pessoa.
Nous évoluons dans un cadre qui nous pousse tant à la production, que tenter de faire entendre la beauté, l’utilité salutaire de la gratuité ou du rien me paraît révolutionnaire à moi.
Une révolution de tranchées. Sourde et Lente.
Je trouve salutaire de donner à entendre cet auteur qui nous propose un ailleurs. Ailleurs que l’efficacité. Ailleurs que la reconnaissance.
Chez soi. »
Guillaume Clayssen, metteur en scène
Après des études à la Sorbonne (agrégation de philosophie, licence de lettres) et une formation théâtrale au cours Florent, il aborde la mise en scène comme assistant de Marc Paquien, puis collabore en tant que dramaturge auprès notamment de Guy Pierre Couleau et Cécile Backès.
Son travail de metteur en scène le porte vers des écritures non dramatiques. Agencer les textes et les formes artistiques sur scène (musique, chant, photographie, cinéma, vidéo), est l’un des fils conducteurs de sa recherche.
Certains des spectacles qu’il met en scène sont des écritures de plateau qui peuvent porter sur l’attention (Attention ! Attentions !), le cinéma (Cine in corpore) ou les vanités (Memento mori).
La figure de Jean Genet tient chez lui une place à part. Il monte l’une de ses pièces les plus connues, Les Bonnes, mais aussi quelques fragments de son texte posthume sur les palestiniens, Un Captif amoureux.
La poésie – celle de Fernando Pessoa (Je ne suis personne) – et les écritures transgenres qui mélange narration, philosophie, politique (Lettres persanes de Montesquieu, coup de coeur en 2016 de l’émission de France-Culture « La Dispute »), l’attirent particulièrement. Son dernier spectacle créé en 2018, prolonge ce métissage des arts. Il s’agit de Jeunesse de Joseph Conrad, qui croise théâtre et cirque.
Enfin, à côté de son activité de metteur en scène, Guillaume Clayssen réalise plusieurs courts-métrages primés en festival, a collaboré plusieurs saisons à la Comédie de l’Est (C.D.N. de Colmar) et enfin donne des cours de dramaturgie philosophique à L’école Auvray-Nauroy.
Depuis janvier 2019, la Compagnie des Attentifs dont il a la direction artistique est en résidence longue au Relais Culturel de Haguenau.
Aurélia Arto, comédienne
Après une formation à l’école Florent et au conservatoire Francis Poulenc sous la direction de Stéphane Auvray-Nauroy, elle effectue divers stages, notamment avec Jean-Michel Rabeux, Jean-Louis Hourdin, Mathieu Amalric, Anne Cornu, Vincent Rouche et Yann-Joël Collin.
Au théâtre elle a joué sous la direction de Hugo Dillon (Thyeste de Sénèque), Julien Kosellek (Le Bruyant Cortège, Nettement moins de morts de Falk Richter), Stéphane Auvray-Nauroy (On purge bébé de Feydeau, Le livre de la pauvreté et de la mort de Rilke, Je suis trop vivant et les larmes sont proches), Guillaume Clayssen (Memento Mori, les Bonnes de Genet, Je ne suis personne de Fernando Pessoa), Sylvie Reteuna (Blanche Neige de Walser), Serge Catanese (L’Echange de Claudel) Jean-Michel Rabeux (Peau d’Ane, La Double Inconstance (ou presque), John Arnold (Norma Jeane), Thomas Matalou (Lulu de Frank Wedekind), Thibault Amorfini (Monsieur Belleville), Lukas Hemleb (K-RIO-K), Frédéric Bélier-Garcia (Chat en Poche de Feydeau), Frédéric Jéssua (EPOC), Grégory Montel et Irina Solano (Arthur Show de Thomas Lélu), Clément Poirée (Les Enivrés I. Viripaev).
Au cinéma elle travaille avec Laurent Bouhnik, Stéphanie Dray, Hugo Dillon, Luc Martin, Thibault Montbellet, Mustafa Mazouzi, Vincent Rebouah, Shahriar Shandiz, Gaetan Bevernaege.
Production La Compagnie des Attentifs.
Coproduction Théâtre de Suresnes Jean Vilar, Comédie de Ferney-Voltaire, Relais Culturel de Haguenau. Remerciements Théâtre des Quartiers d’Ivry – Centre dramatique national du Val-de-Marne, Lilas en scène.