Boris Vian est né à Ville d’Avray, à 6 km de Suresnes, en 1920, il y a donc bientôt cent ans. Bien qu’ingénieur diplômé, il aimait surtout jouer de la trompette. Adepte du swing comme Aznavour, Vian a appartenu avec ses frères à l’orchestre Abadie-Vian. Son esprit de bohème, ses talents multiples, sa passion pour le jazz dont il se fera le passeur avec Jacques Canetti ont participé d’une véritable révolution musicale qui annonçait l’arrivée du rock dont il se moquait d’ailleurs avec la complicité d’Henri Salvador.
Le Café-chantant porte le nom d’un des cabarets du quartier latin où dans l’après-guerre, une jeunesse parisienne, autrement dit de partout par ses origines, ses goûts musicaux (du swing au rock naissant) et ses engagements contre la violence du monde, veut rattraper les années confisquées par la guerre en célébrant la musique de ses libérateurs américains.
Ainsi naît à nouveau une période cabaret de la chanson française, après celle de 1900 qui voyait naître cette forme où poésie, chansons et monologues se mêlent et celle des années 30 où chanteuses populaires ou plus expérimentales et jeunes musiciens dits savants se rencontraient… Dans l’esprit cabaret vous serez invités à chanter les incontournables de ce temps, des Feuilles mortes de Jacques Prévert au Déserteur de Boris Vian.
Selon les habitudes des Cafés-chantants du Hall de la chanson, 10 jours avant le spectacle vous pourrez avoir la liste des chansons à entonner ensemble guidés par Olivier Hussenet et accompagnés par Vladimir Médail et ses jeunes acolytes musiciens de jazz.
Et comme dit la chanson de Vian interdite de radio en son temps On n’est pas là pour se faire engueuler.
Après avoir chanté, nous vous proposons de danser ! Séverine Adamy vous initiera aux danses qu’elle aura créées pour vous à l’occasion de ce Bal Vian. Selon le principe du Bal moderne initié au Théâtre de Chaillot il y a 22 ans, sur des chansons interprétées en direct, un chorégraphe propose des danses qu’il vous transmet en vous exerçant quelques minutes avant de lancer la musique. Si vous ne connaissez pas les pas du tango ou de la java, pas de problème, Vian lui-même utilisait ces danses comme prétexte à réinventions.
Pour le Hall de la chanson :
Aux instruments Vladimir Médail (guitare), Clément Brajtman (batterie) et Yoan Godefroy (basse)
Avec Serge Hureau (Interprétation, chant), Cécile Feuillet (Interprétation, chant)
Une création du Hall de la Chanson, sur une idée de Serge Hureau et Olivier Hussenet
Le Hall de la chanson (Centre national du patrimoine de la chanson), avec le TEC (Théâtre-École des répertoires de la Chanson) qui en est partie intégrante, est une maison soutenue presque entièrement par le Ministère de la Culture et dans une moindre mesure mais néanmoins fidèlement par la Sacem. Comme les Centres dramatiques et Théâtres nationaux, il est dirigé par des artistes.
Ainsi il est important que son directeur et fondateur, Serge Hureau, rappelle en montant lui-même en scène, qu’au-delà de sa connaissance du large patrimoine de la chanson et des institutions, il tire sa légitimité d’être lui-même, interprète. Il l’est au sens de l’artiste de scène et de l’analyste dramaturgique. Ainsi après avoir abordé le répertoire de Piaf comme de Trenet par les faces B, de Barbara par ses leitmotive, il poursuit des approches qui révèlent les secrets de création et, éloignant l’anecdote, donnent à apprécier les richesses parfois insoupçonnées ou peu interrogées des répertoires de la chanson française.
Programme :
- La chanson de Prévert (P&M : Serge Gainsbourg, Warner Chappell Music France & Melody Nelson Publishing, 1962) + refrain des Feuilles mortes (P: Jacques Prévert / M: Joseph Kosma, Éd° Enoch & Cie, 1947)
- Et puis après (P : Jacques Prévert / M : Joseph Kosma, 1961)
- Le déserteur (P : Boris Vian / M : Boris Vian & Harold Berg, Djanik Éditions Musicales, 1954)
- On n’est pas là pour se faire engueuler (P : Boris Vian , M : Benjamin Walter, Metropolitaines Editions, 1954)
Télécharger les chansons du Café-chantant « Au tabou »
LA CHANSON DE PRÉVERT + refrain des FEUILLES MORTES
1. Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C’était ta préférée je crois
Qu’elle est de Prévert et Kosma
Et chaque fois – Les Feuilles mortes
Te rappell’nt à mon souvenir
Jour après jour – les amours mortes
N’en finissent pas de mourir
2. Avec d’autres bien sûr je m’abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m’indiffère
À cela il n’est rien à faire
Car chaque fois – Les Feuilles mortes
Te rappell’nt à mon souvenir
Jour après jour – les amours mortes
N’en finissent pas de mourir
3. Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l’indifférence?
Passe l’automne, vienne l’hiver
Et que la chanson de Prévert
Cette chanson – Les Feuilles Mortes
S’efface de mon souvenir
Et ce jour-là – mes amours mortes
En auront fini de mourir
C’est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m’aimais, moi je t’aimais
Et nous vivions, tous deux ensemble,
Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s’aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
ET PUIS APRES
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes lèvres sont trop rouges
Mes dents trop bien rangées
Mon teint beaucoup trop clair
Mes cheveux trop foncés
Et puis après ?
Qu’est-ce que ça peut vous faire ?
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui, je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi ?
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois ?
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus ?
Que voulez-vous de moi ?
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé ?
Oui, j’ai aimé quelqu’un
Oui, quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement sav’nt aimer
Aimer, aimer
Pourquoi me questionner ?
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui, je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois ?
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus ?
Que voulez-vous de moi ?
LE DESERTEUR
1 – Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer de pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter
2 – Depuis que je suis né,
J’ai vu mourir mon père,
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier,
On m’a volé ma femme,
On m’a volé mon âme,
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins
3 – Je mendierai ma vie
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens :
«Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir.»
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer
ON N’EST PAS LA POUR SE FAIRE ENGUEULER
Un beau matin de juillet, le réveil
A sonné dès le lever du soleil
Et j’ai dit à ma poupée : « Faut te s’couer !
C’est aujourd’hui qu’il pa-a-sse ! »
On arriv’ sur le boul’vard sans retard
Pour voir défiler le roi d’Zanzibar
Mais sur-le-champ,
On est r’foulés par les agents.
Alors j’ai dit :
On n’est pas là pour se faire engueuler
On est là pour voir le défilé !
On n’est pas là pour se faire assommer
On est venu pour voir le défilé !
Si tout le monde était resté chez soi
Ça f’rait du tort à la République.
Laissez-nous donc qu’on le regarde
Sinon plus tard, quand la rein’ reviendra
Ma parole, nous, on r’viendra pas !
L’jour de la fête à Julot, mon poteau,
Je l’ai invité dans un p’tit bistrot
Où l’on trouve un beaujolais vrai de vrai,
Un nectar de premiè-è-re !
On est sorti très à l’aise, et voilà
Que j’ai eu l’idée de l’ram’ner chez moi
Mais j’ai compris
Devant l’rouleau à pâtisserie
Alors j’ai dit :
On n’est pas là pour se faire engueuler,
On est là pour la fête à mon pote
On n’est pas là pour se faire assommer,
On est v’nu faire une petite belote
Si tout le monde restait toujours tout seul
ça serait d’un’ tristesse pas croyable
Ouvre cett’ porte et sors des verres
Ne t’obstin’pas ou sans ça, l’prochain coup,
Ma parole, j’rentre plus du tout !
Ma femme a cogné si fort cett’ fois-là
Qu’on a trépassé l’soir même et voilà
Qu’on se retrouve au paradis vers minuit
devant Monsieur St Pie-e-rre
Il y avait quelques élus qui rentraient
Mais sitôt que l’on s’approche du guichet
On est r’foulé
Et St Pierre se met à râler
Alors j’ai dit :
On n’est pas là pour se faire engueuler
On est v’nu essayer l’auréole
On n’est pas là pour se faire assommer
On est mort, il est temps qu’on rigole
Si vous flanquez les ivrognes à la porte
Il doit pas vous rester beaucoup d’monde
Portez-vous bien, mais nous on s’barre !
Et puis on est descendu chez Satan
Et en bas c’était épatant !
C’qui prouve qu’en pro-tes-tant
Quand il est en-cor’-temps
On peut finir
Par obtenir
Des ménagements !