Tréteaux de France
De Jean Racine
Mise en scène Robin Renucci
Une pièce sans décor. Un drame amoureux. Au centre, un texte d’une pureté rare. « Une longue lettre d’adieu qui ne parvient pas à s’écrire » que le metteur en scène Robin Renucci choisit de présenter dans la plus grande simplicité.
« Titus aime Bérénice. Bérénice aime Titus. »
Ainsi commence la tragédie de Racine. Mais pour faire de ces deux amants de véritables héros tragiques, il faudra que le destin s’en mêle. Dès les premiers vers, la messe est dite. En accédant au trône, Titus doit renoncer à sa passion pour Bérénice, quitter le monde de l’enfance et entrer de force dans l’âge adulte. Pour ressentir au plus près les états émotionnels de ces existences brisées, le metteur en scène Robin Renucci choisit de placer le public au plus près d’un plateau laissé complètement nu.
Ne restent « que » le verbe, les acteurs, et le jeu, d’une beauté bouleversante.
Avec Thomas Fitterer Paulin, Solenn Goix Bérénice, Julien Léonelli Antiochus, Sylvain Méallet Titus, Amélie Oranger Phénice, Henri Payet Rutile, Geert Van Herwijnen Arsace
Scénographie et lumières Samuel Poncet
Costumes Jean-Bernard Scotto
Collaborateur pour la dramaturgie Nicolas Kerszenbaum
Assistant à la mise en scène Sylvain Méallet
Production Tréteaux de France – Centre dramatique national – Direction Robin Renucci
Action financée par la Région Île-de-France.
L’amour
Vespasien est mort, Titus, son fils, accède alors au trône. Il ne pourra pas épouser Bérénice, une étrangère, la loi l’en empêche et cette loi ne souffre aucune exception. Titus doit donc cesser d’aimer Bérénice : il ne peut abdiquer la charge d’empereur. C’est un rite de passage douloureux que Titus éprouve : à la fois succéder au père, et renoncer à l’amour. Quitter le monde de l’enfance, des possibles, pour entrer durablement dans les contraintes de l’âge adulte.
Bérénice est moins un drame du pouvoir, qu’un drame de l’amour : c’est une longue lettre d’adieu qui ne parvient pas à s’écrire, et qui finalement s’énoncera, laissant trois êtres seuls et dévastés. Car l’amour dans Bérénice a cela de particulier qu’il s’écrit à trois : Titus, l’empereur empêché d’aimer, Bérénice, l’étrangère qui voit son amour éconduit et Antiochus, le fidèle ami de Titus, aimant en secret Bérénice. Racine se fait ici le témoin d’une réalité bien moderne, celle qui veut qu’on n’aime jamais autant que lorsque que l’être aimé est déjà pris dans les rets d’un autre. C’est ce triangle amoureux que j’aimerais en particulier donner à voir : non seulement faire ressentir l’amour impossible de Titus et Bérénice, mais aussi le désir fou, irrationnel, que ce premier amour impossible provoque chez Antiochus. Un trio d’amoureux malheureux.
La langue
Au XVIIe siècle, à la cour de Versailles, on va écouter Racine pour pleurer. On pleure, car Racine touche à un substrat commun à toute l’humanité. Et s’il y a larmes en assistant à une représentation de Bérénice, ce n’est pas seulement par l’amour et la compassion. C’est par un autre universel que Racine procède pour faire résonner le chant amoureux : celui de la langue. C’est cette langue-là, si particulière, si pleine de force, que j’aimerais faire entendre pour retrouver l’émotion puissante racinienne. Avec l’amour, la langue est l’autre creuset de nos humanités, et c’est elle qui retentira pour donner au drame racinien l’étendue de sa tristesse.
Être traversé
Je travaille dans Bérénice à faire entendre ce que cette langue dit d’universel dans notre rapport à l’amour. Il sera question pour les acteurs de se laisser mouvoir par cette langue qui pourra, ainsi, parvenir à toutes les générations. Pour faire entendre cette traversée des acteurs par la langue racinienne, je propose un dispositif scénique très simple : organisé en quadrifrontal avec des comédiens qui ne quittent jamais le plateau. Cette simplicité et cette proximité, permettent à chacun de faire sienne la langue de Racine. Langue portée par des corps fragiles dans l’urgence absolue de dire le plus précisément et poétiquement possible les brûlures de l’amour.
Robin Renucci
Robin Renucci, mise en scène
Comédien et metteur en scène. Il est élève à l’Atelier-École Charles Dullin à partir de 1975, avant de poursuivre sa formation au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Il joue au théâtre sous la direction, entre autres, de Marcel Bluwal, Roger Planchon, Patrice Chéreau, Antoine Vitez, Jean-Pierre Miquel, Lambert Wilson, Serge Lipszyc et Christian Schiaretti. Au cinéma, il tourne avec Christian de Chalonge, Michel Deville, Gérard Mordillat, Jean-Charles Tacchella, Claude Chabrol et bien d’autres. Il interprète de nombreux rôles pour la télévision, notamment celui d’un médecin de campagne dans la série Un Village français. En 2007, Robin Renucci réalise un premier long-métrage pour le cinéma Sempre Vivu !
Fondateur et président de L’ARIA en Corse, il y organise depuis 1998 les Rencontres Internationales de Théâtre en Corse. Il est par ailleurs professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Nommé directeur du Centre dramatique national Les Tréteaux de France en 2011, il signe les mises en scène de Mademoiselle Julie d’August Strindberg en 2012, Le Faiseur de Balzac en 2015, L’Avaleur, d’après Other People’s Money de Jerry Sterner en 2016, L’Enfance à l’œuvre en création au Festival d’Avignon 2017, La Guerre des salamandres de Karel Čapek créé au festival Villeneuve en scène en 2018, Bérénice de Jean Racine en 2019, ainsi que Britannicus du même auteur et Oblomov d’après Ivan Gontcharov en 2020.