D’après L’Analphabète d’Agota Kristof
Mise en scène Vincent Rouche et Micha Herzog
De son grain de voix cristallin et voluptueux, par sa présence scénique ardente et délicate, l’artiste suresnoise Micha Herzog fait renaître en nous un fougueux désir de fiction. Elle adapte L’Analphabète, œuvre incontournable de l’écrivaine Agota Kristof.
Inspiré du récit autobiographique d’Agota Kristof, écrivaine suisse d’origine hongroise, ce seul en scène tient sa force de la justesse d’interprétation. Entre jeu, lecture, danse, humour, aux confins du mime et de l’équilibrisme, Micha Herzog retrace la « maladie inguérissable de la lecture » dont l’écrivaine était atteinte depuis toute petite. Forcée à l’exil à l’âge de 21 ans lors de l’insurrection de Budapest en 1956, quittant l’aura de sa langue natale, elle se retrouve analphabète à son arrivée dans la ville francophone de Neuchâtel. Symboliquement chaussée de cothurnes (inconfortables bottines des tragédies antiques) en forme de livres, l’orpheline de cœur et de langage, d’abord entravée dans ses mouvements, découvre peu à peu la littérature francophone et reprend la plume, jusqu’à devenir une célèbre romancière. Sur une toile de fond sombre-lune, une ode merveilleuse à la combativité et à l’espoir.
Adaptation et interprétation Micha Herzog
Musique Gautier Révillod
Mise en mouvement Danila Massara, Lumières Arthur Deslandes, Scénographie Alex Sander Dos Santos
Coproduction Compagnie les Entre-Parleurs, La Cave à Théâtre, Théâtre du Grenier.
Agota Kristof
« La littérature n’a rien d’un exercice de style : elle est la vie même ».
Agota Kristof naît en 1935 en Hongrie, et y grandit près de la frontière autrichienne. En 1956, lorsque la Hongrie est envahie par les troupes soviétiques, elle s’enfuit à pied pour rejoindre l’Autriche avec son mari et leur bébé. Ils arrivent finalement en Suisse, à Neuchâtel, où Agota Kristof trouve un emploi dans une usine tout en écrivant des poèmes le soir. Elle vivra là-bas jusqu’à la fin de ses jours.
Dramaturge à ses débuts, elle va surtout connaître un grand succès avec La trilogie des jumeaux, traduite dans 37 langues, et pour laquelle elle recevra de nombreux prix littéraires. D’autres romans, nouvelles et pièces de théâtre ainsi que L’Analphabète seront publiés par la suite.
Au-delà des thématiques abordées, c’est la relation qu’entretient Agota Kristof avec sa langue d’écriture qui constitue le centre de son œuvre.
Agota Kristof n’a pas choisi le français, il lui a été imposé par les aléas de l’Histoire. Elle a souvent expliqué à quel point elle se sentait toujours un peu corsetée dans cette langue apprise à l’âge adulte, et qu’elle a dû, selon ses propres termes, affronter plutôt qu’adopter. Le français est d’ailleurs qualifié de « langue ennemie » dans L’Analphabète. Ce que Agota Kristof regrette principalement, c’est que sa lutte pour réussir à parler correctement français détruisait son souvenir du hongrois.
À la fin de sa vie, Agota Kristof choisit de cesser d’écrire en français et par conséquent d’abandonner ce qu’elle pense être un mensonge identitaire. Elle retrouva ainsi sa langue maternelle, le hongrois, et sa véritable identité.
Micha Herzog
Après une formation classique au Conservatoire supérieur d’art dramatique de Berne, Micha est engagée au Schauspielhaus Bochum (Allemagne) pour jouer Juliette. Elle sera proposée comme révélation de l’année dans la presse nationale et tiendra ce rôle pendant six saisons, durant lesquelles elle aborde aussi bien des textes classiques que des textes contemporains.
Elle entreprend ensuite des études d’art en thérapie à médiation théâtrale en France, à la faculté de Médecine des Saints Pères, Paris V.
En 1997, elle est dirigée au cinéma par Jacques Rivette. Elle crée Kleine Zweifel, un monologue de Theresia Walser, au Festival d’été de Meersburg, en Allemagne. En 2007 elle co-fonde la compagnie les Entre-Parleurs et met en scène notamment Kroum l’ectoplasme de Hanokh Levin, En raison du soleil, récits de Falderstrath, de Natacha de Pontcharra, Zoom de Gilles Granouillet et plus récemment L’Augmentation, de Georges Perec. Sa mise en scène de L’Arche part à 8h de Ulrich Hub (pièce qu’elle a également traduite) a été salué par la critique, et sa traduction a été récompensée deux années de suite dans le cadre du programme « Transfrontaliers », en partenariat avec la scène nationale de Forbach.