Paroles MM. de Forges et Laurencin
Musique Jacques Offenbach
Mise en scène Victoria Duhamel
Qui peut résister au charme de ce bijou d’opérette en un acte de Jacques Offenbach créée aux Bouffes-Parisiens en 1856 et formidablement mis au goût du jour par Victoria Duhamel ?
Les Tyroliens Frantz et Grittly errent sur les chemins du Wurtemberg et imaginent ce qu’ils pourraient s’offrir si leur billet de loterie s’avérait gagnant. Cette rêverie bascule dans le réel avec le colporteur Berthold qui connaît le résultat du tirage. Le numéro 66 permet de remporter 100 000 florins : c’est justement celui que Frantz pense posséder ! Mais un 66 ne fait pas nécessairement le bonheur… Surtout s’il se retourne.
La force du 66 ! est parodique et musicale tant Offenbach y a mis tout son talent. L’arrangement original de François Bernard pour piano, clarinette et trombone et la mise en scène participative de Victoria Duhamel mettent en lumière toute la finesse de cette opérette en un acte parfaitement jubilatoire.
Avec Gilles Bugeaud Berthold, bateleur, Flannan Obé Frantz, jeune Tyrolien, Lara Neumann Grittly, jeune Tyrolienne, Rozenn Le Trionnaire clarinette, Lucas Perruchon trombone, Christophe Manien piano
Décors Guillemine Burin des Roziers
Costumes Emily Cauwet-Lafont
Arrangements François Bernard
Réalisation décors les ateliers de l’Opéra de Tours
Réalisation costumes les ateliers de l’Opéra de Tours, Emily Cauwet-Lafont
Lumières Félix Bataillou
Production déléguée Bru Zane France. Coproduction Bru Zane France, Théâtre de Cornouaille – Scène nationale de Quimper, La maison de la culture de Bourges – Scène nationale, Théâtre Montansier / Versailles, Opéra de Tours, Atelier lyrique de Tourcoing, CAV&MA – Namur Concert Hall. Sur une idée du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française.
Deux tyroliens promis l’un à l’autre, Frantz et Grittly, voyagent à pied vers Strasbourg pour porter secours à la sœur de Grittly. Celle-ci vient en effet d’être laissée veuve, son mari Berthold étant mort en mer alors qu’il rentrait d’Amérique. Les deux jeunes gens chantent sur leur chemin pour gagner leur pain, quand Frantz révèle à Grittly qu’il a acheté un ticket à la loterie de Vienne. Survient un colporteur, ou marchand ambulant, qui connaît le résultat du tirage. Frantz a gagné cent mille florins grâce à son numéro : le 66 ! Sa fortune est faite. Il court à la ville la plus proche se parer de riches atours, grâce à l’avance du colporteur. Quand il revient, Grittly ne le reconnaît pas. Il se vexe. La dispute s’enfle jusqu’à ce que Frantz assène qu’il épousera un bon parti. Justement, le colporteur, qui le lui a conseillé, arrive. Frantz lui demande une carriole, pour rattraper Grittly. Cette fois il faut une garantie de paiement. Frantz tend donc son ticket gagnant… sauf qu’en fait du numéro 66, il s’agit du numéro 99 ! Frantz avait mal lu. Il est ruiné et prêt à en finir, sous les yeux désolés de Grittly. Alors le colporteur se démasque : il n’est autre que Berthold, le beau-frère en fait rescapé qui, les croisant sur la route de Strasbourg, a eu l’idée de leur jouer ce tour. Grittly et Frantz peuvent s’épouser, ce dernier désormais prévenu des dangers de l’opulence.
Tendresse, car jamais Offenbach ne tourne ses personnages en dérision. La musique qu’il leur écrit les sert et les cerne avec affection. Ils illustrent de tout cœur ce petit conte très moral… mais monté sur des ressorts improbables, et teinté d’un folklore retentissant. Ainsi nous livre-t-on une leçon « sérieuse » dans un emballage de pure parodie. Parodie des pastorales aux personnages naïfs ; variation comique sur le registre champêtre, où la simplicité et le bon sens sont portés aux nues, et condamnés, la passion du jeu, l’appât du gain. Ces contrastes ont de quoi nous laisser troublés, comme à l’écoute des ensembles de la pièce : petits bijoux musicaux réjouissants en soi, mais qui pastichent le « grand opéra », Rossini en tête. Ou en considérant le personnage de Berthold, qui semble plus tenir du démon tentateur que de l’oncle bienveillant.
Bref, avec Le 66 !, Offenbach et ses auteurs jouent. À chatouiller les codes, à jongler avec les références, à subjuguer le public, qui ne sait plus à quoi se fier. Tant mieux alors, entrons dans le jeu à notre tour. Ainsi le spectateur, petit ou grand, entrant dans la salle, se verra distribué les numéros d’une loterie – celle de Vienne, bien sûr – dont le tirage aura lieu tout au long du spectacle. À la clé, des lots, ou une invitation à monter sur scène pour tenter sa chance à la roue de la fortune ou au bonneteau. Car la participation du public dans son ensemble, sera demandée : applaudimètre, questions/réponses et récompenses lancées à la volée, les occasion de s’exprimer ne manqueront pas. S’embarquer dans cette expérience, c’est ressentir l’adrénaline du ticket à gratter, frissonner à l’idée du hasard qui fait basculer. On fournira ce cadre dans lequel jouer est un possible, tout en respectant la liberté de ne pas s’y engager, de ne pas adhérer.
Pour accueillir tant de pions, l’espace se transforme en véritable boîte à jouets, dévoilant d’insoupçonnables ressources. Mais aussi en plateau de jeu, sur les cases duquel se lit le parcours des joueurs principaux, les trois comédiens/chanteurs, et les trois instrumentistes.
On interrogera donc à loisir la vaste notion de jeu, de celui auquel se livre Frantz et qui engage la chance, à celui qui engage les corps sur le théâtre ou dans un bras de fer. Spectacle ludique à double-fond, intégrant sa part d’imprévu, on s’amusera autant qu’Offenbach lui-même à explorer les formes, les valeurs, et les potentialités.
Victoria Duhamel mise en scène
Née à Paris, Victoria Duhamel se forme au chant lyrique et au théâtre, en parallèle d’un parcours en classe préparatoire au lycée Henri IV. Titulaire d’un master d’études théâtrales à la Sorbonne, elle interroge dans ses recherches les rôles assignés aux femmes à l’opéra – sur scène, personnages et interprètes ; mais aussi dans les arcanes de la production : compositrices, metteuses en scène, cheffes d’orchestre.
Assistante à la mise en scène, elle collabore à l’opéra avec Vincent Boussard, Irina Brook, Marc Paquien, la compagnie Les Brigands, Christian Schiaretti…
En collaboration avec le Palazzetto Bru Zane, elle participe à la mise en lumière du compositeur Hervé en assistant Pierre-André Weitz sur Les Chevaliers de la Table ronde et Mam’zelle Nitouche, et signe en 2018 la conception et la mise en espace des Fleurs du mâle, tour d’horizon de l’érotisme dans la mélodie et la chanson françaises et réflexion sur un répertoire tissé de rapports de force, sous les traits de la légèreté.
En 2019, elle met en espace Le Cosmicomiche, opéra contemporain de Michèle Reverdy d’après Italo Calvino, dans le cadre du Festival Présences Féminines. Elle met en scène La Forêt Bleue de Louis Aubert à l’Atelier Lyrique de Tourcoing. Enfin, elle travaille avec le Festival d’Aix-en-Provence à une adaptation libre de La Conférence des Oiseaux d’après Farid al-Din Attar, spectacle composé par Moneim Adwan pour deux chœurs, qu’elle met en espace.